L’indemnisation des préjudices causés par la contrefaçon
Alexandre BLONDIEAU
Mémoire de Master 2 Recherche « Propriété industrielle et artistique »
Sous la direction de Monsieur le Professeur Frédéric POLLAUD-DULIAN
Université de Paris I – Panthéon Sorbonne
2008
Introduction
La contrefaçon peut se définir comme toute utilisation non autorisée d’un objet protégé par un droit de propriété intellectuelle. Cette définition large englobe donc un grand nombre d’utilisations qui n’ont pas nécessairement toutes pour résultat la copie frauduleuse d’un objet protégé. En effet, le terme « contrefaçon » peut par exemple recouvrir une situation où un exploitant se méprend sur la durée des droits que lui a cédé un auteur ou encore un cas où les coauteurs d’une œuvre de collaboration cèdent des droits d’exploitation à un tiers sans le consentement d’un coauteur. Bon nombre de produits « contrefaisants », résultats de ces actes de contrefaçon ne présentent donc aucun danger, ou simplement aucune différence intrinsèque avec le produit autorisé. De cette façon, la contrefaçon n’implique pas nécessairement la production d’articles de médiocre qualité, voire dangereux pour le consommateur final.
Le critère qui nous semble essentiel est donc l’absence d’autorisation de la part du titulaire du droit de propriété intellectuelle. Cette autorisation lorsqu’elle est demandée implique le plus souvent une rémunération, raison qui pousse dans bien des cas les contrefacteurs à s’en abstenir. Le titulaire, en vertu de son titre de propriété intellectuelle peut donc dans ces cas là intenter une action en contrefaçon et ainsi escompter que le tribunal prononce en sa faveur certaines mesures, notamment d’indemnisation par l’allocation de dommages et intérêts.
A cette occasion, le juge peut en effet prononcer, outre l’allocation de dommages et intérêts, un certain nombre de mesures en faveur de la partie lésée. Dans le cadre des mesures dites « réparatrices », il pourra ordonner la publication judiciaire de la décision aux frais du condamné et dans celui des mesures dites « restitutives », le juge pourra prononcer par exemple l’interdiction des actes illicites ou la confiscation des objets contrefaisants. Cette étude a donc pour objet l’indemnisation des victimes de la contrefaçon par l’allocation de dommages et intérêts et uniquement devant les juridictions civiles[1].
La directive européenne n° 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été adoptée pour apporter une réponse à délicat problème de la contrefaçon et prévoit des dispositions importantes concernant les dommages et intérêts. La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 dite « de lutte contre la contrefaçon » transpose, avec un an et demi de retard, cette directive. Cette loi modifie donc notamment les sanctions que prévoyait le Code de la Propriété intellectuelle[2]. L’application de cette loi ne devrait pas nécessairement changer fondamentalement la matière. Cependant, les principes et la pratique relatifs à la réparation de la contrefaçon que nous exposons dans nos première et seconde parties se fondent sur des éléments antérieurs à son entrée en vigueur. Pour cette raison, nous évoquerons le principe de la réparation intégrale au passé, ne sachant pas précisément, au moment où ces lignes sont écrites, le poids qu’auront les nouvelles dispositions dans l’appréciation des juges[3] et donc dans quelle mesure ce principe sera dépassé.
Ce système de la réparation intégrale, véritable dogme en droit civil français a longtemps dominé malgré les critiques dont il fut l’objet, critiques dénonçant son caractère inadapté en matière de propriété intellectuelle. Il conviendra d’examiner, en tenant compte de la pratique passée, dans quelle mesure la réparation des préjudices subis par les titulaires de droit peut être améliorée.
Jusqu’ à présent le système reposait sur le principe de la réparation intégrale, même si la pratique ne s’y tenait pas toujours ( I ), ce qui a donné lieu à des indemnisations aux montants variables selon les droits en cause et souvent perçues comme insuffisantes ( II ), d’où la recherche de solutions, classiques et nouvelles ( III ).
Première partie
L’application jusqu’ici d’un principe contesté : la réparation intégrale
S’il ne fait pas de doute que le système reposait jusqu’ à présent[4] sur le principe de la réparation intégrale (I), un courant jurisprudentiel allait néanmoins à l’encontre (II).
I.Le principe de la réparation intégrale
Le but n’est pas de présenter systématiquement et dans le détail les mécanismes de réparation de la contrefaçon dans ses différentes composantes. Il sera simplement démontrer à quel point le principe de réparation intégrale était présent dans le système.
Ce principe reposait sur des fondements textuels (A), justifiés par une doctrine (B) et mis en pratique par les tribunaux (C).
A.Les fondements textuels
Selon les professeurs A. et H.-J. Lucas, en matière de droit d’auteur, l’ancien article L.335-7 du CPI renvoyait au droit commun de la responsabilité civile pour l’évaluation du préjudice subi par la victime de la contrefaçon[5]. Dans cette perspective, le CPI invitait donc à se référer aux principes généraux de l’évaluation judiciaire des dommages et intérêts. En droit français, la responsabilité civile vise à réparer le dommage subi par une victime mais uniquement celui-ci. En effet, l’on considère que les dommages et intérêts ne doivent pas être pour la victime une occasion de s’enrichir. Leur fonction est de remettre la victime dans l’état où elle se trouvait avant la survenance du dommage, ni plus, ni moins. Ainsi, pour évaluer le montant des indemnités à allouer, les juges du fond s’inspiraient de deux textes essentiels du Code civil : les articles 1382 et 1149. Le premier, disposition phare de la responsabilité délictuelle pose le principe de réparation intégrale du dommage par celui qui le cause.
Le second provient du droit de la responsabilité contractuelle et pose en principe que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé (…) ». C’est de cette dernière disposition que les juges s’inspiraient le plus souvent pour évaluer le préjudice et allouer une indemnité à l’aune du gain manqué (lucrum cessans) et de la perte subie (damnum emergens) par la victime de la contrefaçon. Les éléments du préjudice étaient ainsi distingués et évalués.
En droit de la propriété industrielle, en l’absence de dispositions spécifiques dans le CPI, les auteurs[6] admettaient que l’évaluation des montants à allouer à titre de réparation à la victime d’actes de contrefaçon était également inspirée par les articles 1382 et 1149 du Code civil, tant en matière de brevets qu’en matière de signes distinctifs ou de dessins et modèles.
Le renvoi du CPI à la responsabilité civile délictuelle ne fondait pas seulement l’allocation de dommages et intérêts mais aussi d’autres mesures prononcées par les juges comme la publication de la condamnation prononcée aux frais du condamné qui, elle aussi, peut s’analyser comme une sanction réparatrice. En effet, s’efforcer de remettre la victime de la contrefaçon dans l’état où elle se trouvait auparavant peut nécessiter d’informer le public de la condamnation prononcée. Le public a pu être trompé en attribuant faussement une œuvre ou un produit à une personne, il convient donc de le détromper en l’informant des évènements[7].
De même, le juge prononce le cas échéant des sanctions dites « restitutives » en interdisant au contrefacteur de poursuivre les actes illicites, au besoin sous astreinte, voire même en ordonnant la confiscation des produits contrefaisants pour éviter leur dispersion.
Ces mesures, réparatrices (dommages et intérêts, publication de la condamnation…) ou restitutives (interdiction de poursuivre les actes illicites, confiscation…) étaient donc commandées par les principes de la responsabilité civile sur le modèle des article 1382 et 1149 du Code civil, l’idée étant réellement de réparer et de restituer pour compenser le mal causé par la contrefaçon, mais sans jamais aller au delà.
B.Les justifications idéologiques
Dans un tel système, le concept de dommages et intérêts punitifs ne pouvait donc, en principe, trouver sa place. Madame Belfort, vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Paris, pouvait donc écrire que « l’action devant une juridiction civile n’a pas pour objet de sanctionner un comportement mais de réparer tout le préjudice et seulement le préjudice qui est une suite immédiate et directe des fautes commises. Donc : pas de dommages et intérêts punitifs et l’indemnisation ne peut excéder le montant de la perte subie et du gain manqué »[8].
La notion de dommage et intérêts punitifs, telle qu’elle existe aux Etats Unis d’Amérique par exemple était donc rejetée par principe[9].
La première justification d’un tel rejet se trouvait dans l’organisation judiciaire elle-même. Les actions civiles et pénales possèdent chacune une spécificité qu’il convenait de respecter. Mesdames Brun et Oppelt-Reveneau, magistrates, considèrent que les actions civiles et pénales sont en mesure de satisfaire les victimes de la contrefaçon lorsque celles-ci engagent une action civile jointe à la procédure pénale devant le juge correctionnel. Ainsi, les victimes sont indemnisées du préjudice subi « tandis qu’au plan pénal, la peine d’amende ou d’emprisonnement peut assurer les effets punitifs et dissuasifs attendus »[10]. Un autre argument avancé par les magistrates précitées consiste à dire que si l’on acceptait les dommages et intérêts punitifs en droit de la propriété intellectuelle, les victimes de contrefaçons se trouveraient mieux traitées que les victimes de dommages en d’autres domaines parfois bien plus graves : « Ne serait-il pas choquant qu’en bénéficiant de dommages et intérêts punitifs, l’industriel victime de la contrefaçon d’un médicament soit mieux traité que la victime malade du médicament contrefait qui devrait se contenter d’une réparation dans les strictes limites imposées par les articles 1382 et 1383 du Code civil » ?
C.La pratique jurisprudentielle
Comme nous le verrons par la suite, quant aux réparations de la contrefaçon, tous les tribunaux et les cours n’étaient pas inspirés exclusivement par le principe de la réparation intégrale. Cependant celui-ci demeurait jusqu’ à présent la règle officielle. La fidélité à cette règle se manifestait de plusieurs manières, notamment par la méthode d’évaluation des dommages employée par les juges ou encore par le rappel des principes directeurs de la responsabilité civile.
1.La méthode retenue pour l’évaluation des dommages et intérêts
Tout d’abord, l’expression la plus frappante de la règle de la réparation intégrale s’observait dans la méthode retenue par les tribunaux pour quantifier les indemnités à allouer au demandeur. Comme nous l’avons déjà évoqué, celle-ci s’inspirait largement de l’article 1149 du Code civil[11]. Les juges prenaient donc en considération le gain manqué et les pertes subies par le titulaire, ce qu’ils devraient toujours faire puisque la loi nouvelle impose de prendre en compte « les conséquences économiques négatives » mais plus exclusivement comme nous le verrons plus avant.
a)Le gain manqué (ou « préjudice commercial »)
Il s’agit ici d’évaluer les sommes perdues par le titulaire du droit d’auteur ou de propriété industrielle. Puisque le contrefacteur, par définition, n’a pas demandé d’autorisation d’exploiter au titulaire du droit, ce dernier n’a pas été rémunéré et a perdu des ventes, il y a donc eu un « manque à gagner ». C’est cela qu’il convenait de réparer, mais pas davantage. Il fallait, lorsque cela était possible, établir la masse contrefaisante[12], soit le chiffre d’affaire de la contrefaçon. A ce montant était appliqué le taux de marge du titulaire, ce qui revenait à calculer le chiffre d’affaires dont ce dernier avait été privé. La masse contrefaisante était établie grâce à des critères objectifs : durée de l’exploitation illicite, nombre d’exemplaires fabriqués, commercialisés[13], vendus effectivement, leur prix, parfois également leur importance individuelle[14]. Le titulaire des droits, victime de la contrefaçon a toujours intérêt naturellement à verser aux débats un maximum de pièces tendant à établir l’importance de cette masse contrefaisante.
Le taux de marge que le titulaire aurait pu appliquer pour une telle exploitation était dans la mesure du possible déterminé par rapport à des barèmes pratiqués sur le marché. A défaut, ce taux était théoriquement déterminé par les juges. Le fait, par exemple, que l’auteur en cause jouisse d’une notoriété spécifique dans le domaine considéré venait augmenter d’autant la marge retenue, si cette notoriété n’allait pas de soi, il convenait de la démontrer [15]. De même, si cela ne s’imposait pas naturellement, l’auteur devait prouver que de par ses activités il était amené à céder ses droits sur ses œuvres, par exemple pour des campagnes publicitaires ou promotionnelles[16].
Parfois, bien que le chiffre exact des exemplaires contrefaisants vendus fut connu, les tribunaux n’accordaient pas pour autant au titulaire du droit de propriété intellectuelle une somme égale à celle qu’il aurait perçu si un contrat régulier avait été conclu. Par exemple dans une espèce, le tribunal a pris en considération le fait que la grande quantité d’ouvrages vendus n’était pas liée à la seule qualité des œuvres « mais aussi et surtout au prix très modique (…) proposé aux clients »[17]. Le principe de la réparation intégrale était donc en l’espèce encore très strictement respecté.
Il arrivait que la connaissance exacte de la masse contrefaisante défavorise les victimes de contrefaçons sur le plan des sommes allouées. Ainsi, dans une espèce, les juges de première instance avaient alloué à un éditeur et à son auteur les sommes de 15 000 euros chacun. La Cour d’appel, forte d’une expertise révélant des chiffres précis sur la masse contrefaisante, avait pu réviser ces montants de moitié au préjudice de l’auteur et de l’éditeur[18]. Ici encore, nous constatons que le principe de la réparation intégrale avait été appliqué avec rigueur par les juges.
Il pouvait arriver qu’un acte de contrefaçon soit commis sans qu’il y ait eu exploitation d’objets contrefaisants pour autant. Il en allait ainsi par exemple lorsque les juges constataient une contrefaçon par dépôt d’une marque similaire ou identique à une autre déposée antérieurement. L’action en contrefaçon par le titulaire de la marque antérieure pouvait avoir lieu avant que la marque contrefaisante n’ait été exploitée, ainsi seul le dépôt était contrefaisant. En ce cas, des tribunaux ont pu considérer que le titulaire de la marque antérieure n’avait pas réellement subi de préjudice. Ainsi, conformément au principe de la réparation intégrale, les tribunaux n’accordaient en principe pas de dommages et intérêts ou bien une somme d’ un franc ou d’un euro symbolique[19].
Si le titulaire du droit n’exploitait pas celui-ci, il n’avait droit qu’au paiement du prix d’une licence. Il percevait donc les redevances perdues pour cette exploitation. S’il n’avait jamais concédé de licence sur l’invention ou la marque en cause par exemple, il revenait au juge de fixer un tarif au regard des éléments fournis par les parties. Si le titulaire exploitait son droit mais n’aurait pu exploiter autant que l’a fait le contrefacteur, il convenait de lui accorder deux indemnités distinctes. Il recevait d’une part la marge bénéficiaire qu’il aurait obtenu pour le nombre d’exemplaires qu’il aurait pu exploiter et d’autre part les redevances perdues pour les exemplaires restants. Naturellement, les deux indemnités s’additionnaient sans que cela ne viole l’article 1382 du Code civil en réparant deux fois le même préjudice comme il a pu l’être soutenu[20].
Enfin, lorsque l’utilisation illicite n’avait pas enrichi directement le contrefacteur, il convenait pour les juges d’allouer au titulaire du droit le prix d’une licence d’utilisation. En ce cas, l’on utilisait parfois les barèmes habituellement pratiqués pour une telle exploitation. Par exemple, un film publicitaire avait été tourné dans un décor où apparaissait une statue de Maillol clairement identifiable sans autorisation des ayants droit du sculpteur. La Cour de Versailles avait admis le calcul opéré par la SPADEM, en fonction du barème en vigueur à l’époque de la représentation illicite, barème prenant en compte « la durée exacte de l’utilisation de l’œuvre pendant la campagne de publicité »[21]. Dans cette affaire, la SPADEM avait, avant l’assignation, vainement demandé à la société défenderesse de s’acquitter de la rémunération habituelle pour ce type d’utilisation. Il faut remarquer que lorsqu’il s’agit d’œuvres gérées par des sociétés de gestion collective, il est assez aisé pour ces dernières de fournir le montant exact éludé par le contrefacteur et de satisfaire ainsi au principe de la réparation intégrale. Ainsi, dans une espèce plus récente[22] concernant la diffusion des titres du répertoire de la SACEM via des postes de télévision installés dans des chambres d’hôtel, la société d’auteur a demandé, et obtenu du tribunal d’instance la somme de 2598, 12 euros au titre de redevances de droits d’auteurs éludés pendant une période de cinq ans. Les sommes allouées étaient donc exactement celles auxquelles le demandeur aurait pu prétendre en l’absence de contrefaçon, ni plus, ni moins.
b)Pertes subies
Les pertes subies par le titulaire du droit d’auteur victime des actes de contrefaçons étaient constituées de plusieurs éléments. Il y avait d’abord les frais engagés pour assurer la défense du droit en justice : frais d’avocat mais aussi frais liés à une éventuelle saisie-contrefaçon en amont. Il y avait encore la perte de valeur subie, par exemple de l’œuvre en cause, du fait des actes illicites : banalisation si l’œuvre est connue[23], voire dépréciation, par exemple en raison de produits de qualité douteuse sur lesquels auraient été apposés sans autorisation une marque. Enfin, il fallait ajouter le découragement d’éventuels futurs cocontractants, cessionnaires ou licenciés, dissuadés d’exploiter l’œuvre du fait de la présence des contrefaçons sur le marché. Par exemple, dans une affaire concernant la contrefaçon d’œuvres audiovisuelles, la Cour d’appel de Paris avait retenu que l’exploitation du surplus de l’œuvre de l’auteur était « compromise par l’utilisation partielle incriminée »[24].
2.Le rappel des principes directeurs de la responsabilité civile
a)Le rejet des indemnités de principe
Le principe de la réparation intégrale en matière d’allocation de dommages et intérêts impliquait que ne soient réparés que les préjudices concrètement démontrés par la victime de la contrefaçon. Le seul acte de contrefaçon ne justifiait pas en lui-même l’allocation d’indemnités. Ainsi par exemple, la Cour de cassation avait eu l’occasion de censurer au visa de l’article 1382 du Code civil un arrêt d’appel qui avait alloué une « indemnité de principe » au titulaire d’un droit de marque, au lieu « d’évaluer exactement le dommage qu’elle entendait réparer par l’allocation de dommages-intérêts »[25].
En principe, le juge refusait de réparer les préjudices dont la preuve ne lui était pas rapportée quand bien même la contrefaçon était avérée. C’est par exemple ce qu’avait jugé le TGI de Paris dans une espèce où un magazine avait publié sans autorisation des coauteurs les éléments du scénario d’un film avant sa « sortie » en salle[26]. Le Tribunal énonçait que « le préjudice patrimonial ne se présume pas et doit être étayé de pièces justificatives ; en l’espèce aucun élément de nature à démontrer l’étendue du préjudice n’est produit et aucun élément ne vient corroborer une corrélation entre le dommage invoqué, la contrefaçon commise et la violation de la volonté de confidentialité des auteurs ». Le dommage invoqué en l’espèce était la baisse de fréquentation des salles projetant le film par rapport au premier opus dont il constituait la suite[27]. Finalement le titulaire n’a pas su démontrer de lien de causalité entre la contrefaçon et le peu de succès du film, toute indemnisation lui fut donc refusée sur le plan patrimonial [28]. Le Tribunal avait donc opéré ici une application stricte du mécanisme de la responsabilité civile.
b)Le refus d’allouer des dommages et intérêts punitifs
Il arrivait également que les tribunaux rappellent avec fermeté le principe de la réparation intégrale par l’impossibilité d’accorder des dommages et intérêts punitifs. Par exemple la Cour d’appel de Paris avait énoncé que l’action en contrefaçon portée devant la juridiction civile n’avait pas pour objet de sanctionner un comportement mais au contraire de réparer le préjudice, suite immédiate des fautes commises[29]. De même, la Cour d’appel de Paris avait infirmé un jugement allouant des dommages et intérêts au titre du gain manqué sans rapport avec l’importance de la masse contrefaisante. L’arrêt énonce que « Les dommages et intérêts ne doivent réparer que le préjudice subi et ne peuvent être augmentés à titre de sanction d’un comportement fautif »[30]. Le jugement du Tribunal était donc réformé pour son non respect du principe de la réparation intégrale. Ces décisions tendaient à rétablir une frontière étanche entre juridiction civile et juridiction pénale en niant l’aspect punitif de l’action en contrefaçon.
Pourtant, une position inverse pouvait être soutenue. En effet, comme le soulignait le Professeur F. Pollaud-Dulian, l’action en contrefaçon est autre chose qu’une simple forme de l’action en responsabilité civile car « elle ne vise pas seulement à réparer le préjudice causé à l’auteur par les actes de contrefaçon : elle a aussi un caractère de sanction, même sur le terrain civil, et elle a pour objet de rétablir l’auteur dans la plénitude de son monopole en faisant cesser les empiètements ou les usurpations, et de lui restituer l’intégralité de sa propriété intellectuelle, en quoi cette action s’apparente aussi aux actions réivindicatoires »[31]. D’ailleurs comme nous allons le constater à présent, certaines décisions allaient au delà des principes de la responsabilité civile pour donner un caractère dissuasif aux mesures prononcées.
II.Des mesures allant au delà du principe de réparation intégrale
Il ne s’agira ici que de réparations au titre du préjudice patrimonial. L’objet de cette subdivision étant de démontrer que les tribunaux réparaient au delà du préjudice subi, il convient nécessairement pour l’apprécier de se référer à une base objective. Les préjudices moraux subis par les titulaires de droits de propriété intellectuelle ne se prêtent pas à une telle appréciation.
Nous verrons que le principe de la stricte réparation du préjudice était finalement souvent mis à mal par la jurisprudence. En effet, en premier lieu l’allocation de dommages et intérêts conséquents se faisait parfois en l’absence d’éléments justifiant réellement un préjudice (A), en second lieu, il arrivait que les juges allouent officieusement des sommes allant au delà de la stricte réparation (B), en troisième et dernier lieu, les juges augmentaient ouvertement le taux de la redevance indemnitaire allouée à la victime de la contrefaçon (C).
A.L’allocation de dommages et intérêts en l’absence d’éléments justificatifs
Puisque en droit français les dommages et intérêts étaient jusqu’ici supposés réparer « tout le préjudice et rien que le préjudice », l’on attendait naturellement du demandeur à l’action en contrefaçon qu’il établisse l’étendue de celui-ci. Il est fréquent que les magistrats se plaignent du peu d’éléments versés au débat pour quantifier le préjudice. Ainsi, pour Mesdames Brun et Oppelt-Reveneau, magistrates, « l’une des raisons, moins citée, expliquant la parcimonie reprochée aux juridictions dans l’allocation des dommages et intérêts, est l’indigence des preuves versées aux débats par les plaignants, et notamment l’absence de production de documents comptables de nature à prouver la perte du bénéfice allégué »[32]. Pourtant, de façon surprenante, certaines décisions, tout en constatant une telle lacune, accordaient néanmoins des dommages et intérêts substantiels aux demandeurs en contrefaçon. Ainsi, par exemple, dans une espèce portant sur une contrefaçon de brevets d’invention, le Tribunal de Grande Instance de Paris relevait dans un jugement du 4 juillet 2003 que la société demanderesse « ne produit (…) aucun document de quelque nature que ce soit pour justifier de son préjudice ; qu’elle n’a fait procéder à aucune saisie-contrefaçon dans les locaux (…) ce qui lui aurait permis de faire appréhender certains documents comptables ». Pourtant, le Tribunal accorde la somme de 7 000 euros de dommages et intérêts à la société titulaire du droit de brevet et celle de 10 000 euros au licencié exclusif[33]. Dans une autre espèce concernant une contrefaçon de marque, le Tribunal de Grande Instance de Paris notait encore « qu’il était loisible à la société demanderesse de poursuivre ses investigations pour avoir une connaissance plus précise de l’importance de la commercialisation des modèles considérés, ce qu’elle ne fit pas » mais lui accorde in fine une « somme globale de 15 000 euros »[34].
B.Des dommages et intérêts laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond mais parfois punitifs
Le pouvoir souverain d’appréciation du préjudice dont jouissent les juges du fond leur permettait, le cas échéant d’allouer des sommes supérieures au préjudice réellement subi par le titulaire. Madame le Professeur Béhar-Touchais écrivait en ce sens que « les juges, sous le couvert du pouvoir souverain d’appréciation des dommages et intérêts compensatoires, peuvent gonfler la condamnation et y inclure, sans le dire, des dommages et intérêts destinés à punir le coupable et à le priver du profit illégitime qu’il a fait, même si le préjudice de la victime est en réalité moindre »[35].
Il était donc difficile au contrefacteur condamné de faire reconnaître lors d’une autre instance que la condamnation prononcée avait été trop lourde par rapport au préjudice réellement subi. Par exemple, devant la Cour de cassation, un contrefacteur condamné en appel avait soulevé le moyen selon lequel la réparation du dommage ne pouvait excéder le montant du préjudice. Il tentait de démontrer, chiffres à l’appui, que les sommes allouées étaient excessives au regard du préjudice subi, en déduisant une violation de l’article 1382 du Code civil. La Cour de cassation avait rejeté le moyen en énonçant « sous couvert de violation de la loi, le pourvoi ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond de l’évaluation du préjudice »[36].
Ainsi, lorsque les juges accordaient à la victime de contrefaçons des dommages et intérêts substantiels, l’on pouvait parfois se poser la question de savoir si la somme ne réparait que l’entier préjudice ou en réalité davantage. Par exemple, dans une affaire où avait été contrefait un personnage dans une publicité, la Cour d’appel de Paris avait alloué 750 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial et 1 000 000 d’euros au titre de l’atteinte au droit moral. Commentant cette décision, maître Varet soulignait qu’ « il s’agit bien de remplacer par équivalent les profits que les demandeurs auraient pu escompter »[37] et M. le Professeur F. Pollaud-Dulian estimait que les réparations « sont à la hauteur de l’ampleur de la campagne litigieuse »[38] . Pourtant, à propos du même arrêt M. le Professeur C. Caron écrit « qu’il est évident que des peines privées ont été prononcées »[39]. Dans cette espèce, nous pensons que si les dommages et intérêts alloués sont spectaculaires, c’est vraisemblablement car les profits qui auraient pu être tirés d’une exploitation autorisée dudit personnage avaient eux mêmes vocation à être très importants. En d’autres termes, il ne faut pas nécessairement qualifier de peines privées tous les dommages et intérêts particulièrement élevés.
C.La licence indemnitaire
1.L’indemnisation : une licence et non pas la perte de chance d’obtenir une licence
Comme nous l’avons vu plus avant, lorsque le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle était victime d’actes de contrefaçons et qu’il n’exploitait pas ce titre, il recevait l’équivalent des redevances éludées, ce qui ne devrait pas changer avec la loi nouvelle. Dans l’hypothèse où ce titulaire ne concédait aucunes licences à des tiers, les tribunaux condamnaient quand même le contrefacteur au paiement de ces sommes. Il est permis de penser que cette indemnisation était finalement contraire au principe de réparation intégrale. En effet, dans ce cas de figure, les tribunaux ne prenaient pas en compte la mince probabilité qu’il y avait pour le titulaire de conclure un tel contrat avec le contrefacteur. L’on sait que de telles licences indemnitaires étaient au moins équivalentes à ce que le contrefacteur aurait payé s’il avait négocié un contrat licitement, ce n’était donc pas seulement la perte de chance de conclure un contrat qui était réparée mais bien plus. C’était bien là de peines privées qu’il s’agissait.
2.La majoration du montant de la licence indemnitaire
En principe, quand le titulaire n’exploitait pas lui-même son droit de propriété intellectuelle, il ne devait recevoir que le prix de la licence perdue, soit le montant des redevances. Seule cette solution était réellement conforme au principe de réparation intégrale du préjudice.
Cependant, une jurisprudence bien établie calculait le préjudice subi par le titulaire du droit victime de contrefaçons sur la base d’une redevance indemnitaire dont le taux était majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur s’était dispensé d’autorisation. Cette jurisprudence n’était pas nouvelle puisque déjà en 1985, le Tribunal de Grande Instance de Paris énonçait que lorsqu’il s’agissait d’une redevance indemnitaire « le taux doit être nécessairement supérieur au taux librement consenti aux licenciés afin de conserver un caractère dissuasif à l’égard des contrefacteurs »[40]. De même, en 1991, la Cour d’appel de Paris énonçait « selon les usages en la matière, le taux de la redevance indemnitaire est déterminé par référence au taux que le breveté peut être amené à pratiquer dans le cadre d’une licence librement consentie à un tiers exploitant dans des conditions similaires et est majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur n’est pas un licencié contractuel qui a débattu librement du taux qui sera appliqué et qu’il n’est pas en position de refuser les conditions qui lui sont imposées »[41]. Ainsi, la majoration de la licence venait punir le contrefacteur à qui l’on « imposait » des conditions, du fait qu’il avait lui-même au préalable « imposé » en quelque sorte une exploitation au titulaire de son droit de propriété intellectuelle.
Plus récemment, le TGI de Paris a même condamné un contrefacteur de brevet à payer une redevance au taux de 10% alors que son taux habituel pouvait être évalué à 5%. Dans cette affaire, le Tribunal doublait donc le taux de la redevance et justifiait cela par le fait que « le contrefacteur s’est placé dans une position ne lui permettant pas de discuter les termes du contrat »[42].
Une telle majoration des taux des redevances indemnitaires ne semblait même plus faire figure d’exception en jurisprudence. La Cour de cassation avait même déjà eu l’occasion d’approuver une telle pratique[43].
En droit d’auteur spécifiquement, les décisions faisaient moins nettement apparaître que la réparation du préjudice se basait sur une licence indemnitaire même si le même principe prédominait. Dans ce domaine aussi l’on relevait des cas jurisprudentiels caractérisant l’idée de peine privée.
Ainsi par exemple dans une affaire de contrefaçon de photographies, le contrefacteur se prévalait du barème de la société de gestion collective gérant les droits patrimoniaux en cause. Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait énoncé que la société d’éditions contrefactrice ne pouvait se prévaloir de ce barème puisque les reproductions n’avaient pas été autorisées[44]. C’était donc clairement énoncer ici aussi que le contrefacteur devait payer plus que le tarif habituel, en raison de l’absence d’autorisation préalable d’exploiter les photos.
Dans un autre arrêt concernant à nouveau une contrefaçon de photographies, la Cour d’appel de Versailles avait relevé que si le photographe avait consenti à la reproduction de ses œuvres, il aurait pu percevoir la somme de 4 000 francs dans l’hypothèse d’une diffusion de 5 000 exemplaires et la somme de 6 000 francs dans celle d’une diffusion n’excédant pas 10 000 exemplaires. Mais la Cour relevait qu’il convenait « de prendre en compte le caractère fautif d’une reproduction sans autorisation » et évaluait finalement le préjudice patrimonial en son entier à la somme de 20 000 francs[45]. Dans cette espèce, la Cour faisait donc plus que tripler la redevance au titre du caractère fautif de l’exploitation sans accord de l’auteur.
Ces exemples démontrent que le principe de la réparation intégrale était mal adapté pour réparer les préjudices causés par la contrefaçon car ne prenant pas en compte l’aspect dissuasif, bien que la nature spéciale de l’action en contrefaçon pouvait le justifier. Les juges étaient donc souvent conscients de la nécessité d’accorder plus que la stricte réparation du préjudice, certains franchissant le pas, d’autre non. Mais, avec un auteur, l’on pouvait douter de l’effet véritablement dissuasif de ces peines privées officieuses : « L’effet préventif n’a pas lieu car le contrefacteur qui espère déjà ne pas être pris, espère ensuite, s’il est pris, que le juge ne le sanctionnera que faiblement. Il faut donc rendre le système prévisible, pour rendre la sanction plus effective »[46].
Deuxième partie: Des indemnisations variables selon les droits de propriété intellectuelle en cause et insuffisantes
Il nous a semblé intéressant d’étudier de façon très concrète les dommages et intérêts alloués par les juges pour indemniser les victimes de contrefaçons. Pour ce faire, nous avons choisi de relever un certain nombre de décisions où les juges prononcent de telles sanctions en raison de contrefaçons d’objets couverts par un droit de propriété intellectuelle[47]. Selon les titres de propriété intellectuelle en cause, nous effectuerons des comparaisons qui nous semblent avoir un sens à l’intérieur de chaque domaine. L’étude ne sera donc pas totalement symétrique entre droit d’auteur et droits de propriété industrielle.
Dans cette perspective, nous examinerons les montants alloués par les juges d’abord pour les seules contrefaçons d’objets protégés par un droit d’auteur (I), puis pour celles subies par des objets protégés par des droits de propriété industrielle (II)[48] pour enfin confronter ces chiffres entre eux (III).
I.Comparaison des sommes allouées au sein du droit d’auteur
Comparer les sommes allouées par les tribunaux au titre de l’atteinte aux droits patrimoniaux et de l’atteinte au droit moral n’est pas chose aisée, les décisions accordant le plus souvent des sommes globales (A). Il conviendra cependant de se livrer à un tel exercice en comparant d’abord les montants alloués au sein d’une même affaire (B), puis toutes décisions confondues (C) et enfin selon les attributs du seul droit moral (D).
A.Sommes globales allouées
Lorsqu’ils sanctionnent des actes de contrefaçon, les tribunaux ne distinguent pas toujours entre les sommes allouées au titre du préjudice patrimonial et celles allouées au titre du préjudice moral. En effet, certaines décisions font état de sommes prenant en compte un préjudice global, censé réparer les deux atteintes à la fois. Il arrive qu’au cours d’une même affaire, les juges de première instance distinguent les sommes à verser et que la Cour d’appel ait transforme celles-ci en une somme globale. Ainsi dans une espèce[49], le TGI de Paris avait condamné les défendeurs in solidum à payer au demandeur la somme de 3000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte au droit moral et celle de 2000 euros en réparation du préjudice patrimonial. La Cour d’appel[50] augmenta le montant total des dommages et intérêts puisqu’elle condamna le premier défendeur à verser la somme de 30 000 euros et le second à verser celle de 10 000 euros mais précisa que pour chacune de ces sommes, il s’agissait d’une réparation tant du préjudice moral que du préjudice patrimonial. Ainsi, il n’était plus possible de savoir lequel des deux préjudices avait été le mieux réparé ou s’ils l’avaient été à concurrence du même montant. Dans ce dernier cas, le demandeur avait pourtant formulé des demandes distinctes pour ses deux préjudices.
Parfois encore, la juridiction se contente d’énoncer qu’une somme est allouée « en réparation de l’entier préjudice »[51]. Mais dans d’autres espèces, c’est le demandeur qui formule lui-même une demande de dommage et intérêts globale, au titre du préjudice patrimonial et moral que lui a fait subir un acte de contrefaçon, sans que l’on sache précisément à quel attribut du droit moral il est fait référence[52].
Ainsi sur cinquante-cinq décisions étudiées[53], vingt-neuf contiennent une allocation de dommages et intérêts pour atteinte au droit patrimonial, vingt-trois font état de dommages et intérêts au titre du droit moral et enfin huit contiennent l’allocation de dommages et intérêts réparant une atteinte globale indistincte.
B.Comparaison des montants alloués au titre du droit patrimonial et du droit moral au sein d’une même affaire
A l’occasion d’actes de contrefaçon, les titulaires des droits demandent souvent en justice à la fois réparation au titre des droits patrimoniaux et au titre des droits moraux en distinguant nettement les préjudices subis. C’est toutefois loin d’être toujours le cas. En effet, sur les cinquante-cinq décisions relevées, concernant toutes des contrefaçons d’œuvres protégées par le droit d’auteur, vingt d’entre elles voient la victime de ces actes demander l’allocation de dommages et intérêts distincts.
Sur ces vingt décisions [54], nous constatons que les juges accordent des réparations pécuniaires plus élevés au titre du préjudice patrimonial qu’au titre du droit moral dans douze cas, alors que l’inverse ne se produit qu’à six reprises et qu’une égalité des montants est à relever dans trois espèces. Il convient naturellement d’être prudent quant aux enseignements à tirer de cette statistique car d’une part le nombre d’affaires étudiées n’est pas très élevé et d’autre part les atteintes à chacun des droits ne sont pas nécessairement d’une gravité équivalente.
D’après cet échantillon de décisions, l’on peut dire qu’il est deux fois plus fréquent que les juges réparent mieux le préjudice patrimonial. L’écart entre les montants accordés est parfois très important, dans une espèce par exemple les juges accordent cinq fois plus pour la réparation du droit patrimonial que pour celle du droit moral[55] (100 000 francs contre 20 000 francs). Mais la différence peut aussi être moins marquée, par exemple le préjudice commercial subi par un auteur dont la chanson a été reproduite dans un karaoké a été estimé à 80 000 f alors que son préjudice moral l’était à 60 000 f[56].
Ainsi, si le préjudice patrimonial est le plus souvent mieux réparé, les réparations allouées au titre du droit moral sont loin d’être systématiquement inférieures au sein d’une même affaire. Dans un arrêt concernant la contrefaçon d’une photographie de Maria Callas par exemple[57], la Cour d’appel de Versailles avait accordé plus de deux fois plus de dommages intérêts au titre du droit moral qu’au titre du droit patrimonial, soit 50 000 f contre 20 000 f. Dans une autre affaire concernant une fresque d’un musée dont l’auteur n’avait pas autorisé la reproduction dans un spot publicitaire, la Cour d’appel de Paris alloue 750 000 francs au titre du préjudice patrimonial mais 950 000 francs au titre du préjudice moral[58]. Enfin, pour prendre l’exemple le plus spectaculaire des décisions retenues, dans une affaire, la Cour d’appel de Paris[59] a accordé 750 000 euros de dommages et intérêts au demandeur au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux du fait de la contrefaçon mais a en même temps alloué 1. 000 000 d’euros au titre de l’atteinte portée au droit moral. Les montants alloués au titre de l’atteinte au droit moral ne sont donc pas nécessairement plus faibles que ceux accordés pour les atteintes aux droits patrimoniaux, c’est ce que montre également une comparaison des dommages et intérêts alloués aux deux titres, indépendamment lorsque l’on ne s’en tient plus nécessairement à une même affaire.
C.Comparaison des montants alloués toutes décisions confondues
Sur les cinquante-cinq décisions, vingt-neuf accordent des dommages et intérêts au titre de l’atteinte au droit patrimonial, tandis que vingt-trois en font de même au titre du droit moral. Nous nous garderons de constater à ce stade une tendance jurisprudentielle à réparer plus fréquemment les atteintes aux droits patrimoniaux. En effet cette légère supériorité reflète surtout le fait qu’il est plus fréquemment demandé réparation sur le terrain patrimonial, notamment par les cessionnaires des droits d’exploitation qui ne peuvent naturellement agir qu’à ce titre.
Une tendance plus significative se dessine dans l’étude des montants eux-mêmes. Ainsi, sur les vingt-neuf décisions concernant le droit patrimonial, les cinq montants les plus élevés dépassent les 100 000 euros [60] alors que dans la liste des décisions afférant au droit moral, seuls deux de ces montants dépassent cette somme[61]. La tendance se confirme dans les montants égalant ou dépassant 10 000 euros : dans le premier cas, vingt décisions font état de telles sommes allouées en dommages et intérêt alors que dans le second, quinze décisions présentent un tel montant.
Sur l’échantillon de décisions sanctionnant la contrefaçon au titre du droit patrimonial, nous observons un chiffre moyen de 38 000 euros[62]. Pour les décisions sanctionnant les atteintes au droit moral, nous constatons un chiffre moyen de 23 000 euros. L’écart est donc de 15 000 euros. Ces données démontrent que les atteintes au droit moral ne sont certes pas aussi bien réparées par les tribunaux que celles portées aux droits patrimoniaux des titulaires de droit d’auteur. Cependant, les chiffres concernant les réparations du droit moral sont loin d’être symboliques et supportent la comparaison. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’il est moins souvent possible de demander réparation pour les atteintes au droit moral.
D.Comparaison des sommes allouées au sein du droit moral
1.Sommes globales allouées en réparation de l’atteinte au droit moral
La difficulté est la même au niveau du droit moral lorsque dans une même affaire, plusieurs attributs de ce même droit sont atteints. Bien souvent, les juges ne vont pas distinguer précisément la somme allouée au titre de chaque attribut mais accorderont une somme globale pour réparer l’atteinte au droit moral dans son ensemble, par exemple le non respect de l’œuvre et l’atteinte au droit au nom[63]. Il nous faut donc rencontrer des espèces où un seul attribut du droit moral a été violé par une contrefaçon pour connaître le montant accordé pour celui-ci. Si le droit moral est composé de quatre attributs : droit de divulgation[64], droit à la paternité de l’œuvre (ou droit au nom), droit au respect de l’œuvre[65] et droit de retrait ou de repentir, seuls les trois premiers sont susceptibles d’être atteints par des actes de contrefaçon. Dans la majorité des cas, une contrefaçon porte atteinte à plus d’un attribut du droit moral. En effet, sur le panel de décisions étudié, vingt d’entre elles font état d’une réparation au titre du droit moral.
2.Sommes allouées en considération des attributs du droit moral
Parmi les décisions étudiées, huit réparent une atteinte à un attribut précis du droit moral. Ainsi, quatre décisions concernent le droit à la paternité, trois le droit au respect de l’œuvre et une le droit de divulgation. Le montant des dommages et intérêts alloués est très variable, ainsi pour les atteintes au nom, les sommes relevées vont de 1.000 euros[66] à 46.000 euros[67]. Ne pas mentionner le nom de l’auteur, volontairement ou non peut donc couter très cher. De façon encore moins surprenante, les montants alloués pour compenser les atteintes au respect de l’œuvre sont encore plus variables, du moins dans les décisions analysées par nos soins, puisqu’ ils vont de la somme de 3.000 euros[68] à celle de 1.000. 000 euros[69]. Quant à l’unique espèce sanctionnant individuellement le droit de divulgation, la condamnation n’a ici non plus rien de symbolique puisqu’elle s’élève à la somme de 38. 000 euros[70].
Comme nous le signalions plus tôt, onze des décisions étudiées font état de condamnations à des dommages et intérêts sur le fondement d’atteinte au droit moral mais en considération de plusieurs attributs. C’est donc des sommes globales qui sont allouées, sans qu’il soit possible de savoir le « prix » donné à chaque atteinte[71]. Ces sommes globales ne sont pas nécessairement plus importantes que les sommes allouées à titre individuel, les moins importantes relevées étant celles de 8. 000 euros. Dans une première décision[72], cette somme répare une atteinte au droit au respect de l’œuvre et une atteinte au droit de divulgation et dans une seconde décision, le même montant répare simultanément une atteinte au droit au respect de l’œuvre et au droit au nom[73]. La somme maximale globale attribuée pour des atteintes à plusieurs attributs du droit moral est celle de 30. 000 euros pour une atteinte au respect de l’œuvre et au droit au nom[74].
Ainsi, sur cet échantillon de décisions, nous constatons que l’atteinte simultanée à plusieurs attributs du droit moral n’aboutit pas nécessairement, loin s’en faut, à une allocation de dommages et intérêts plus importante que lorsqu’un seul attribut est atteint. Tout va dépendre naturellement de la gravité de l’atteinte portée[75].
3.Comparaison entre les sommes demandées et les sommes allouées
L’étude des écarts entre les sommes demandées par les victimes d’atteinte au droit moral et les sommes allouées en réparation n’est pas toujours possible. En effet, ces chiffres n’apparaissent pas systématiquement dans les décisions publiées[76]. Sur notre échantillon de décisions, nous remarquons que les demandeurs obtiennent en règle générale au mieux un peu plus de la moitié des sommes demandées. La plupart du temps, ils se voient allouer une somme équivalente au tiers ou au quart de ce qu’ils réclamaient, parfois même un sixième ou un septième seulement[77].
II.Comparaison des sommes allouées au sein du droit de la propriété industrielle
Nous étudierons ici les réparations allouées en fonction des droits de propriété industrielle en cause pour voir s’il existe des différences notables. A cette fin, il conviendra d’abord de comparer les sommes globales accordés pour réparer les atteintes (A), puis, plus précisément selon les chefs de préjudice (B) et enfin nous mettrons ces montants en rapport avec ceux alloués au titre de la concurrence déloyale (C).
A.Comparaison des sommes globales[78] allouées pour la contrefaçon au sein du droit de la propriété industrielle (brevets et marques)
Sur un échantillon de vingt-sept décisions récentes[79] en droit des marques, nous observons que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts sanctionnant la contrefaçon s’échelonnent d’un montant de 3 000 à 150 000 euros. Parmi elles, seules trois décisions font état d’un montant égal ou supérieur à 100 000 euros.
S’agissant du droit des brevets, sur un échantillon de vingt-huit décisions récentes[80], les montants alloués vont de 10 000 euros à 693 653 euros[81]. Ici, treize de ces décisions font état d’un montant égal ou supérieur à 100 000 euros.
L’écart entre les montants apparaît peut être encore plus significatif si l’on compare les sommes moyennes allouées. La somme moyenne de dommage et intérêts accordée à un demandeur, d’après les décisions relevées en droit des marques, est de 28 700 euros alors qu’en droit des brevets, l’on atteint la somme de 168 000 euros. D’après nos données, les dommages et intérêts alloués pour les contrefaçons de brevets sont donc près de six fois plus importants que ceux accordés pour des contrefaçons de marques.
Cet écart s’accroît encore si l’on prend en considération un autre facteur que nos chiffres n’incluent pas. Sur les vingt-huit décisions étudiées en droit des brevets, la moitié d’entre elles seulement n’alloue ces sommes qu’à titre définitif, ce qui n’est jamais le cas en droit des marques dans les décisions analysées, les autres le faisant à titre de provision. En effet, en droit des brevets, la détermination de la masse contrefaisante revêt une grande importance. Celle-ci est souvent longue et compliquée. Ainsi, lorsque le juge statue, il ne possède pas nécessairement tous les éléments pour apprécier l’entier préjudice. Pour ne pas faire attendre le demandeur trop longtemps, il alloue souvent une somme provisionnelle à valoir sur l’indemnisation définitive. Ainsi, pour connaître l’ampleur de l’entier préjudice, le juge ordonnera une mesure d’expertise pour déterminer précisément la masse contrefaisante[82]. D’ailleurs, les titulaires de brevets victimes de contrefaçons demandent souvent une provision à hauteur d’une certaine somme et non pas des dommages et intérêts définitifs[83]. Parfois le juge n’accordera qu’une somme provisionnelle au demandeur mais déterminera l’entier préjudice dans un second temps une fois que le défendeur aura produit les pièces que le juge lui ordonne de fournir dans le dispositif même de la décision[84].
Quoi qu’il en soit, il faut donc majorer le chiffre moyen de 168 000 euros de dommages et intérêts alloués au titre de la contrefaçon de brevets pour avoir une idée plus proche de la réalité. Cela amplifie encore l’écart important avec le chiffre moyen de 28 700 euros pour la contrefaçon de marques. Notre but ici est de montrer l’ampleur de l’écart entre les réparations de contrefaçons de marques et de brevets et non pas de pointer une injustice entre le traitement qui serait réservé aux différents droits de propriété industrielle. L’importance des chiffres relatés pour les brevets s’explique d’une part par le fait qu’ en cette matière, c’est le produit lui-même qui est contrefait, alors qu’en droit des marques, on ne traite que de la marque apposée sur le produit. De plus, comme il a été dit, les juges réparent en principe uniquement le préjudice subi par le titulaire du droit de propriété intellectuelle. Ainsi, le montant des sommes alloués devraient seulement refléter l’importance du préjudice souffert par le titulaire.
B.Comparaison des sommes allouées selon les chefs de préjudice
Il apparaît presque impossible de procéder à une comparaison des montants alloués selon les chefs de préjudice (gain manqué et pertes subies). Comme nous l’avons déjà signalé, les décisions ne donnent qu’exceptionnellement ces indications. Cependant, ils nous semble toutefois que l’on peut considérer que les pertes subies par le titulaire sont proportionnellement mieux indemnisées en droit des marques qu’en droit des brevets. A l’inverse, les gains manqués seraient mieux réparés en droit dans ce dernier domaine.
Sur les vingt-huit décisions étudiées en droit des brevets, seules deux d’entre elles distinguent les dommages et intérêts alloués au titre du gain manqué et au titre des pertes subies. La première une somme de 256 347[85] euros au titre du gain manqué et une somme de 50 000 euros au titre des pertes subies. La seconde décision[86] fait état de la somme de 340 198 euros au titre du gain manqué et de celle de 30 000 euros au titre des pertes subies. Ainsi dans la première espèce est accordée une somme plus de cinq fois plus importante au titre du gain manqué qu’au titre des pertes subies et dans la seconde, les dommages et intérêts sont plus de dix fois plus importants pour le gain manqué que pour les pertes subies. Naturellement nous ne pouvons faire de ces deux espèces une généralité mais tout au plus des indices. Mais par ailleurs, les motivations des décisions en droit des brevets mettent le plus souvent en avant la masse contrefaisante pour justifier le montant de la condamnation[87].
En revanche en droit des marques, le préjudice du chef des pertes subies semble occuper une place plus importante, au moins par rapport au montant global des dommages et intérêts alloués. Par exemple la décision qui fait état du plus haut montant[88], 150 000 euros, se fonde uniquement sur le préjudice du chef des pertes subies. D’une part est mis en avant la notoriété de la marque contrefaite, qui « (…) constitue un élément majeur de la société ». L’on sait que la dépréciation de la marque, voire sa banalisation est un élément important du préjudice du chef des pertes subies et que celui-ci est d’autant plus grand que la marque est connue du public. D’autre part le Tribunal tient également compte des « investissements importants » supportés par le titulaire « pour le développement de ses marques ». De même la diminution de l’impact d’investissements promotionnels en raison de la contrefaçon est également classiquement pris en compte au titre des pertes subies.
Une autre décision[89] allouant un montant important de dommages et intérêts pour une contrefaçon de marque, soit 100 000 euros justifie une telle somme non pas par le gain manqué mais exclusivement par référence à des éléments du chef de préjudice des pertes subies. Ainsi, le Tribunal énonce « (…) pour apprécier l’importance du préjudice subi par la demanderesse, il y a lieu de prendre en considération la notoriété non contestée des marques et signes Vuitton et l’importance de son site internet dont elle souligne qu’elle a investi des sommes élevées pour assurer une présentation soignée et recherchée de son image ». Ce sont donc ici aussi uniquement la dépréciation de la marque et les investissements promotionnels qui sont pris en compte pour justifier la somme allouée.
De plus, il n’est pas rare qu’en droit des marques, les demandes formulées au titre du gain manqué ne soient pas accueillies. Ce sera le cas soit parce que la diffusion d’objets contrefaisants a été très limitée[90], soit parce que l’importance de l’activité contrefaisante n’est pas démontrée[91], soit enfin parce qu’il y a eu contrefaçon par le dépôt d’une marque identique ou similaire qui n’a pas encore été exploitée. Dans ces situations, les juges n’accorderont des dommages et intérêts en ne se fondant que sur les pertes subies. Par exemple dans l’affaire « Nutri-Riche », en première instance le Tribunal avait constaté que le préjudice résultait exclusivement de l’atteinte portée à la marque et avait alloué la somme de 30 000 euros à ce titre[92]. Il arrive enfin que les juges allouent des dommages et intérêts sur ce chef de préjudice de manière forfaitaire[93].
C.Comparaison avec les sommes allouées au titre de la concurrence déloyale
Il parait intéressant de comparer les sommes allouées au titre de la contrefaçon à celles allouées au titre de la concurrence déloyale, qui par définition ne relèvent pas de la contrefaçon.
1.En droit des marques
Selon le Professeur J. Passa : « Il est extrêmement fréquent qu’une action en concurrence déloyale, fondée sur le droit commun de la responsabilité du fait personnel de l’article 1382 du Code civil, soit exercée conjointement à une action en contrefaçon de marque »[94]. Notre étude ne dément pas ces propos puisque sur les vingt-sept décisions analysées, quinze d’entre elles font état d’une action en concurrence déloyale en plus de l’action en contrefaçon de marque. Il est d’abord intéressant de noter que lorsque l’action en contrefaçon prospère, il en va très souvent de même pour l’action en concurrence déloyale. En effet, seules trois espèces voient cette action rejetée, soit un cinquième des cas seulement. De plus, le montant moyen des dommages et intérêts alloués au titre de la concurrence déloyale dans des affaires de droit des marques est de 42 900 euros[95], soit environ 14 000 euros de mieux que pour les montants alloués au titre de la contrefaçon. L’action en concurrence déloyale, lorsqu’elle est justifiée par une faute dommageable distincte de la contrefaçon, est donc une source d’indemnités nettement plus importante que l’action en contrefaçon. Par ailleurs la somme maximale recensée parmi nos décisions est celle de 150 000 euros, soit l’équivalent de la somme maximale allouée pour contrefaçon de marque[96]. Ainsi, il n’est pas rare que le contrefacteur soit condamné plus lourdement à ce titre qu’à celui de la contrefaçon. Mais naturellement il convient de garder à l’esprit qu’une telle action n’est pas toujours possible.
2.En droit des brevets
En cette matière, notre étude montre que les actions en concurrence déloyale accompagnent moins souvent les actions en contrefaçon de brevet qu’en droit des marques. En effet, sur les vingt-huit décisions analysées, seulement douze relatent de telles demandes et sept d’entre elles, donc plus de la moitié, ne sont pas accueillies par les juges. Lorsque des dommages et intérêts ont été alloués à ce titre, la somme moyenne est de 23 500 euros. Il faut se souvenir que la somme moyenne allouée au titre de la contrefaçon de brevets était de 168 000 euros, soit un montant plus de sept fois supérieur. Le montant maximum culmine à 50 000 euros[97] alors que le montant minimum est d’un euro symbolique[98]. Ainsi, en droit des brevets l’action en concurrence déloyale est moins fréquente qu’en droit des marques et cela s’explique probablement d’une part par le montant des sommes allouées qui est nettement inférieur et d’autre part par la difficulté en cette matière de prouver des faits réellement distincts de la contrefaçon.
III.Comparaison des sommes allouées entre droit d’auteur et droit de la propriété industrielle
Nos chiffres démontrent que les contrefaçons de brevets sont finalement de loin celles qui sont le mieux réparées au niveau des dommages et intérêts (168 000 euros en moyenne). Très loin derrière arrivent les atteintes au droit d’auteur dans sa composante patrimoniale (38 000 euros). Les contrefaçons de marque sont réparées quant à elle dans une mesure comparable à celle du droit moral (28 700 euros contre 23 000 euros).
Naturellement, ces chiffres ne démontrent pas que pour les magistrats une contrefaçon de brevet serait plus condamnable qu’une contrefaçon d’objets protégés par un droit d’auteur ou d’une marque. Les montants alloués au titulaire sont en principe proportionnels au préjudice subi par ce dernier et celui-ci, comme nous l’avons vu, s’évalue notamment en fonction de l’exploitation qui en est faite. Cette exploitation implique plus souvent des sommes très importantes en matière de brevet qu’en matière de droit d’auteur ou de marque.
Quoi qu’il en soit, bien que les sommes moyennes relevées pour chaque type de droit soient des chiffres en soi importants, les titulaires de droits victimes de contrefaçons se sont, en règle générale, révélés mécontents de ces résultats[99]. Il convenait donc d’envisager des solutions pour remédier à cet état de fait.
Troisième partie
Les solutions proposées pour une meilleure réparation des préjudices
Si un meilleur étaiement des dossiers des victimes de contrefaçons aboutirait sans doute à une meilleure réparation judiciaire des préjudices subis ( I ), un autre facteur pourrait contribuer à atteindre un tel résultat : l’introduction récente de nouvelles mesures dans le système français ( II ).
I.La nécessité d’un meilleur étaiement des dossiers des victimes
Le trop faible montant des indemnisations allouées aux victimes de contrefaçons semble être proportionnel au faible volume de pièces justificatives prouvant aux magistrats les préjudices réellement subis et quantifiant ceux-ci précisément (A), pour palier à ces carences, les demandeurs disposent de différentes voies, classiques ou nouvelles (B).
A.Les plaintes des magistrats quant au manque de documents
Comme il a déjà été évoqué, l’application des règles de la responsabilité civile impose aux magistrats de réparer intégralement les préjudices soufferts par le titulaire de droits victime d’actes de contrefaçon mais dans la limite de ce dont la preuve est rapportée, du moins jusqu’ à maintenant[100]. Un magistrat ne saurait donc en principe réparer plus que cela.
Le faible montant des dommages et intérêts alloués est souvent dénoncé[101] mais celui-ci serait également, dans une certaine mesure, la conséquence du peu de preuves attestant de préjudices imputables à la contrefaçon versé aux débats par les victimes elles-mêmes. Par exemple, un intervenant s’exprimait en ces termes au cours d’un colloque : « j’ai remarqué d’un point de vue de praticien, que les parties attachent souvent beaucoup d’importance à présenter au juge un dossier très complet en ce qui concerne la validité du droit et la contrefaçon du droit, mais (…) qu’elles ne donnent pas assez d’importance, à mon sens, à la présentation économique des dommages et intérêts. Il est très symptomatique de voir comment en France on rédige les assignations : « à la louche ». On demande 100 MF de dommages et intérêts sans aucun justificatif (…). On donne un chiffre qui ne repose sur aucune justification économique »[102].
Ce constat est confirmé en des termes très nets par Madame Belfort, Vice-Présidente du TGI de Paris : « Le principe de stricte réparation du préjudice subi impose la justification à l’aide de pièces par la victime de la contrefaçon du préjudice qu’elle allègue. Dans les dossiers des victimes de contrefaçon, il n’y a le plus souvent aucune pièce justifiant le préjudice subi. De plus, comme le souligne un auteur « C’est d’ailleurs l’une des défenses classiques des contrefacteurs : pointer l’absence de pièces justifiant du préjudice afin d’en contester l’existence »[103] Cette situation explique l’absence de motivation des juges sur la réparation du préjudice[104]. La magistrate précitée soulignait d’ailleurs elle-même au cours d’un colloque que la somme accordée en indemnisation des préjudices du fait de la contrefaçon était d’un rapport de 1 à 6 de la somme demandées par les parties[105].
La victime de la contrefaçon, par l’intermédiaire de son conseil, aura donc intérêt à établir de la façon la plus complète d’abord le gain manqué, par des chiffres établissant l’ampleur de la masse contrefaisante, et ensuite la perte subie du fait de la contrefaçon. Cette perte est souvent plus difficile à établir, particulièrement en ce qui concerne la banalisation ou dépréciation du titre de propriété intellectuelle en cause. Il convient désormais d’analyser les moyens d’améliorer cette situation.
B.Les voies d’amélioration possibles
1.Le recensement des documents nécessaires
De façon générale, il est possible de dresser une liste des documents que devraient au moins contenir tous les dossiers[106] :
-une évaluation de la masse contrefaisante
-le prix unitaire du produit contrefaisant
-le prix unitaire du produit authentique
-des renseignements sur la valeur du titre de propriété intellectuelle contrefait
-commandes annulées ou réclamations de clients ou de revendeurs
-les devis de publication des dispositifs de décision dans les journaux si le tarif habituel n’est pas satisfaisant
-les factures d’honoraires des avocats et de tout conseil ayant aidé à la procédure[107], la liste et la justification des frais liés à la conduite du procès
-Eléments comptables permettant aux juges de procéder à des calculs financiers et à constater l’évolution du chiffre d’affaires avant et après la contrefaçon alléguée
Les éléments de cette liste ont tous pour objet de donner aux magistrats des chiffres précis sur les montants en cause, chiffres dont ils n’auraient pas nécessairement idée sans cela. Instruits de la sorte, les magistrats pourront ensuite allouer des sommes en rapport avec la réalité des pertes. Comme l’écrit un auteur « procurer aux juges les justificatifs permettant de déterminer objectivement le préjudice permet sans aucun doute d’augmenter l’indemnité de contrefaçon »[108].
La détention et donc la production aux débats de certains des éléments précités relève de la bonne gestion des affaires du titulaire de droits, personne physique ou morale victimes de contrefaçons (éléments comptables, factures, devis…) et n’appellent pas de développements particuliers. D’autres éléments en revanche seront obtenus par une démarche plus particulière comme la saisie-contrefaçon ou par une demande formulée à la juridiction saisie.
2.L’utilisation plus fréquente de la saisie-contrefaçon
Si la preuve des actes de contrefaçon peut être rapportée par tous les moyens du droit commun[109], le titulaire de droits victime d’actes de contrefaçon aura tout intérêt[110] à utiliser également la voie d’exception offerte par le Code de la Propriété intellectuelle qu’est la saisie-contrefaçon[111]. Il s’agit bien là d’une voie d’exception venant quelque peu tempérer le principe français selon lequel il incombe au demandeur de faire la preuve de ses prétentions[112]. Celle-ci lui sera utile pour éviter la carence d’éléments rapportant la preuve de la matérialité de la contrefaçon, c’est-à-dire de la masse contrefaisante, dans l’optique de démontrer l’importance du préjudice subi au titre du gain manqué.
Toute personne disposant du droit d’agir en contrefaçon peut demander au TGI compétent, par requête, l’autorisation de pratiquer la saisie-contrefaçon. Lorsqu’elle est accordée, la saisie-contrefaçon donne lieu à une saisie description et éventuellement à une saisie réelle, ce que le magistrat précise.
Dans le cadre d’une saisie description s’accompagnant d’une saisie réelle, la saisie portera sur un échantillon des objets contrefaisants eux-mêmes mais aussi sur les instruments qui ont servi à leur fabrication. La question s’est posée de savoir si l’huissier instrumentaire (ou le commissaire de police) pouvait également saisir des documents commerciaux afin d’établir l’étendue de la contrefaçon alléguée. Après quelques hésitations[113], la jurisprudence s’est fixée sur une réponse affirmative à cette question, l’opération de saisie-contrefaçon pouvant donc porter sur des documents commerciaux, par exemple des documents comptables[114]. L’avantage de cette solution est d’éviter que de telles preuves ne disparaissent par la suite et éventuellement de faire l’économie du recours à une expertise in fine. Aujourd’hui cette possibilité ne saurait être remise en question car la loi du 29 octobre 2007 de « lutte contre la contrefaçon », transposant la directive communautaire du 29 avril 2004 a ajouté aux « produits ou procédés prétendus contrefaisants » pouvant faire l’objet d’une saisie réelle « tout document s’y rapportant ».
Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle qui se dit victime d’actes de contrefaçon trouvera donc dans la saisie-contrefaçon une occasion de se constituer de solides preuves afin de démontrer son gain manqué : son étendue (évaluation de la masse contrefaisante), le prix des produits contrefaisants mais également dans une certaine mesure la perte subie, par exemple la piètre qualité d’un produit contrefaisant pouvant démontrer la dépréciation d’une marque ou du produit breveté… Une utilisation plus systématique de cette voie permettrait sans doute d’étayer les demandes de dommages et intérêts et ainsi d’offrir aux magistrats matière à indemniser.
Le demandeur devra cependant être diligent car la recevabilité de telles preuves est soumise à un délai pour introduire l’action en contrefaçon à compter de l’exécution de la saisie, soit à compter de la date figurant sur le procès verbal[115].
3.L’utilisation prochaine du nouveau « droit à l’information »
La directive du 29 avril 2004 dans son article 8 consacre un nouveau « droit à l’information » en faveur du demandeur en contrefaçon inspiré des législations belges et allemandes. La disposition reprise par la loi de lutte contre la contrefaçon du 29 octobre 2007 a été codifiée dans le Code de la Propriété intellectuelle pour tous les droits de propriété intellectuelle et droits voisins[116]. Cette disposition a pour objet de contraindre les personnes en possession de marchandises contrefaisantes, au besoin sous astreinte, à fournir des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle. C’est au titulaire de droits victime de contrefaçon qu’il revient de formuler une telle demande à la juridiction saisie.
Effectivement, cette mesure implique que la juridiction soit déjà saisie d’une action au fond, elle est donc bien différente de ce point de vue de la saisie-contrefaçon qui est une mesure provisoire. De plus, elle se différencie encore nettement de cette dernière par les personnes visées qui ne sont pas seulement le contrefacteur supposé, le défendeur, mais également « (…) toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou mettant en œuvre des procédés contrefaisants ou qui fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en œuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services ».
Le demandeur pourra obtenir de tous tiers ayant un lien avec la contrefaçon de son titre des informations précises : « nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits, procédés ou services (…) » ce qui est intéressant pour pouvoir remonter les filières.
Le demandeur trouve également dans cette disposition une façon de combler les carences de son dossier car elle permet d’exiger « les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que les prix obtenu pour les produits, procédés ou services en cause ». Ainsi, si de telles informations sont obtenues, les magistrats seront éclairés de l’ampleur du préjudice subi par le titulaire, ce qui peut s’avérer précieux pour ce dernier s’il n’avait pu fournir de tels éléments, par exemple à défaut de saisie-contrefaçon. Comme le souligne un auteur, « (…) le plus souvent, les défendeurs à la contrefaçon refusent de communiquer en cours de procédure leurs comptes / parts de marché / fichier clients, et les juges de la mise en état sont réticents à l’idée d’ordonner la communication de tels documents couverts par le secret des affaires, tant que la contrefaçon n’est pas établie »[117]. Le demandeur trouve donc là un moyen légal de forcer le défendeur à produire ces éléments essentiels.
II.Nouvelles mesures d’indemnisation introduites dans le système français
La transposition de la directive du 29 avril 2004 a eu pour conséquence d’introduire des mesures inconnues jusque là en France mais déjà pratiquées à l’étranger. Il sera question ici des deux principales innovations en cette matière, une appréciation du préjudice prenant en compte notamment les bénéfices réalisés par le contrefacteur (A) alternant avec une évaluation forfaitaire imposant a minima le prix d’une redevance indemnitaire (B).
A.La prise en compte des bénéfices du contrefacteur
1.Les modèles étrangers
Un certaine nombre de législations permettent à la victime de contrefaçons de se faire attribuer les bénéfices réalisés par le contrefacteur[118].
Aux Etats Unis, la loi de 1909 énonçait que toute personne reconnue responsable d’une infraction à un copyright devrait rembourser à son propriétaire les dommages que celui-ci pouvait avoir subi du fait de cette atteinte, ainsi que les bénéfices retirés de cette exploitation illicite. La loi semblait donc permettre un cumul de ces modes d’indemnisation alors que l’intention du Congrès était d’accorder alternativement l’un ou l’autre type de dommages et intérêts. La jurisprudence fut contradictoire sur ce point jusqu’ à la loi de 1976. Ce texte vint préciser que « l’allocation des bénéfices du contrefacteur à la victime s’ajoute au remboursement du préjudice subi par celle-ci, si ces profits ne sont pas pris en compte dans le calcul du préjudice »[119]. De plus, cette loi a précisé que le titulaire du copyright était tenu de présenter des preuves relatives uniquement au revenu brut du contrevenant, et que ce dernier devait apporter la preuve de ses frais déductibles et des éléments de bénéfices imputables à des facteurs autres que l’œuvre protégée.
Un système similaire s’applique en droit des marques. Le demandeur pourra démontrer quel a été le chiffre d’affaires réalisé par le contrefacteur, notamment grâce à la mesure de la discovery qui lui permet d’obliger le contrefacteur à lui soumettre certains documents. Ce dernier aura alors la charge de démontrer l’étendue des frais qu’il a engagé. Les juges pourront ainsi apprécier dans une certaine mesure les bénéfices effectivement réalisé par le contrefacteur et en attribuer le montant au demandeur.
En revanche, le droit des brevets américains n’indemnise pas la victime de la contrefaçon par la remise des bénéfices du contrefacteur mais connaît une possibilité pour le juge d’augmenter les dommages et intérêts jusqu’ à trois fois leur montant[120].
En Allemagne le titulaire de droit de propriété intellectuelle victime de contrefaçons, au lieu de tenter de démontrer son gain manqué, pourra demander une redevance raisonnable ou bien l’attribution des profits réalisés par le contrefacteur. Cette possibilité est expressément prévue dans les lois sur le droit d’auteur et sur les dessins et modèles. En revanche, en droit des brevets, cette solution est jurisprudentielle depuis une décision de la Cour d’appel commerciale impériale allemande de 1874, régulièrement reprise par les juridictions depuis. Un auteur explique à ce propos que « le contrefacteur est assimilé à une personne qui aurait agi pour le compte du breveté »[121]. Opter pour la remise des bénéfices réalisés par le contrefacteur n’était pas nécessairement la solution la plus intéressante pour le titulaire de droits. En effet, d’une part la loi allemande ne connaissait pas de mesure pour obliger le contrefacteur à remettre certains documents au demandeur et d’autre part les tribunaux permettaient au contrefacteur de déduire une large part de ses frais : coûts fixes et coûts variables, réduisant souvent les bénéfices à un chiffre dérisoire. Mais depuis une décision du Bundesgerichtshof de 2001[122] interdisant au contrefacteur la déduction de ses coûts fixes, l’attribution des bénéfices est devenue une option financièrement intéressante pour la victime de la contrefaçon.
2.L’introduction de la mesure dans le système français
La directive du 29 avril 2004 dispose dans son article 13 a) que lorsque les autorités judiciaires fixent les dommages et intérêts, elles « prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et (…) le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte ».
La loi française a été fidèle à la directive, disposant que « la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte ». D’emblée l’on remarque que cette nouvelle mesure est d’un genre différent de celles étudiées ci-avant pour les législations américaine et allemande. En effet, il n’est pas question ici d’attribuer les bénéfices réalisés par le contrefacteur au titulaire de droits victime[123]. Ces sommes seront simplement considérées pour calculer le montant des indemnités. Cette nouvelle donnée pose toutefois problème dans son interprétation. En effet, l’on peut se demander quel emploi les juges feront de cette disposition. Dans la circonstance où le titulaire ne parvient pas à prouver un préjudice élevé, les juges s’en serviront probablement pour augmenter quand même l’indemnisation. Cette solution serait donc contraire au principe de réparation intégrale, principe phare du droit français de la responsabilité civile qui, comme il a déjà été signalé, pourrait donc être abandonné dans une certaine mesure. Un auteur considère à ce sujet que « La rupture est, en apparence, franche avec le droit commun. Il ne s’agit plus de réparer le préjudice subi par la victime mais d’accabler le contrefacteur »[124] mais ajoute que « la rupture pourrait bien être, cependant, plus apparente que réelle. Il est vraisemblable que les juges du fond intégraient cet élément dans la fixation des dommages et intérêts qu’ils opéraient, assurés d’une relative impunité compte tenu du contrôle classiquement discret de la Cour de cassation ».
Pour d’autres auteurs « sans obligatoirement l’égaler, l’évaluation des dommages et intérêts devra désormais tendre vers l’addition du manque à gagner, des bénéfices réalisés par le contrefacteur, du préjudice moral[125] et d’autres préjudices que le demandeur aura pris soin de soulever »[126]. Cependant, l’on peut douter que le système français devienne véritablement « un Eldorado à l’américaine »[127] grâce à la transposition de la directive. Ce texte, dans son considérant 26 dispose que le but n’est pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages et intérêts punitifs. Surtout, le rapporteur de la loi au Sénat s’est défendu d’introduire en droit français de tels dommages et intérêts[128].
B.L’allocation d’une redevance indemnitaire au minimum
Comme il a été vu plus avant, les tribunaux français allouaient fréquemment à la victime de contrefaçon n’exploitant pas son titre, ou ne l’exploitant pas personnellement l’équivalent des redevances indemnitaires auxquelles il pouvait prétendre. En revanche, le droit français, limité par le principe de la réparation intégrale, ignorait la possibilité d’allouer l’équivalent d’une telle redevance au titulaire qui exploitait son titre mais qui ne pouvait démontrer le préjudice allégué. Cette solution pouvait apparaître sévère pour le titulaire qui, pour certaines raisons ne pouvait rapporter l’entière preuve de son préjudice ou bien seulement pour un faible montant.
1.les modèles étrangers
Aux Etats-Unis, le titulaire d’un brevet victime de contrefaçon peut naturellement tenter de prouver quel a été son gain manqué. Cependant, s’il échoue dans cette tâche, ou s’il prouve peu de pertes, la section 284 du Titre 35 du USC[129] lui octroie au minimum la redevance qu’il aurait pu espérer si elle avait été normalement négociée avec un licencié (reasonable royalty)[130]. Son montant pourra être établi à l’aide d’experts. Les Etats-Unis connaissent aussi les dommages et intérêts forfaitaires (statutory damages), non basés sur le prix d’une redevance, dans leur législation sur le droit d’auteur et sur le droit des marques.
En effet, la loi sur le copyright de 1976 dispose que pour chaque œuvre contrefaite, le titulaire du droit recevra, indépendamment de la quantité, une indemnisation allant de 500 à 20 000 dollars. Ce plafond peut s’élever à 100 000 dollars si le demandeur démontre une contrefaçon délibérée (willfull violation) et le montant plancher peut descendre à 200 dollars si le contrefacteur prouve au contraire sa bonne foi (fair use)[131]. De plus, le demandeur peut, à tout moment[132], avant que le jugement ne soit prononcé, choisir entre les dommages et intérêts calculés sur une base réelle ou les dommages et intérêts forfaitaires. En droit des marques, il en va de même pour cette option depuis 1996 et le Lanham Act, la loi sur les marques, énonce un barème prévoyant une somme minimum de 500 dollars pour chaque marque contrefaite et un plafond de 100 000 dollars. La bonne foi avérée du contrefacteur pourra ici aussi réduire le montant plancher à 200 dollars.
L’Allemagne est aussi familiarisée depuis longtemps avec la pratique des dommages et intérêts forfaitaires basés sur le prix d’une licence, notamment pour la sanction de contrefaçons de brevets. L’évaluation du profit manqué par le titulaire du fait des actes de contrefaçon étant particulièrement complexe, le droit allemand offre plusieurs alternatives, notamment la possibilité pour le breveté de demander une redevance adéquate plutôt que la détermination de son profit manqué. Cette possibilité a été imposée par la jurisprudence : reconnue dès le début du XXe siècle par le Reichsgericht, la Cour suprême impériale allemande et reprise par les décisions du Bundesgerichtshof[133].
Ce procédé demeurait donc inconnu du droit français alors qu’il était pratiqué depuis longtemps dans d’autres systèmes, ainsi un auteur écrivait dans un article paru en janvier 2004 « un tel minimum légal n’existe pas en droit français qui prévoit que tout le dommage mais rien que le dommage doive être réparé »[134].
2.L’introduction de cette mesure dans le système français
Le principe est imposé à l’ensemble de la communauté européenne et donc à la France par la directive du 29 avril 2004 en son article 13. Celui-ci dispose que « lorsqu’elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires : prennent en considération tous les aspects appropriés (…) ou à titre d’alternative, peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question ».
La proposition initiale de directive du 30 janvier 2003 prévoyait un doublement de la redevance contractuelle. Le texte définitif a retenu la formule « au moins le montant des redevances ». Cette rédaction finale a été critiquée en doctrine, par exemple un auteur appelait de ses vœux le rétablissement, dans la loi française de transposition, du doublement de la redevance contractuelle et faisait observer que rien n’interdirait aux tribunaux d’appliquer un doublement des redevances contractuelles puisque la rédaction de la directive ne fixe qu’un plancher minimal[135].
La loi du 29 octobre 2007 a transposé en droit français cette exigence de la directive. Le texte dispose ainsi pour chaque droit de propriété intellectuelle que « la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte ». Comme le souligne un auteur, « l’alternative proposée par le texte français ne pourrait être exercée que sur demande de la partie lésée, alors que le texte de la directive ouvre au juge la possibilité de l’exercer d’office »[136]. De plus, le texte communautaire, comme le texte français n’imposent pas l’allocation de cette redevance indemnitaire à toute partie lésée qui en ferait la demande. En effet, la directive énonce que les autorités judiciaires « peuvent (le) décider dans des cas appropriés » et la loi française dispose que « la juridiction peut » allouer cette somme. Il ne semble donc pas que cette redevance indemnitaire puisse être considérée comme une indemnisation minimum que pourrait réclamer la victime de contrefaçons, contrairement à la mesure américaine. Ici, il s’agit, semble-t-il, d’une simple faculté pour les juridictions. La partie lésée serait donc tributaire de l’appréciation souveraine des juges du fond. Seule la pratique des tribunaux répondra effectivement à ces questions.
Conclusion
Une meilleure réparation des préjudices causés par les actes de contrefaçon est un enjeu économique essentiel aujourd’hui. En effet, les droits de Propriété industrielle doivent inciter à l’investissement et à la recherche et le droit d’auteur doit inciter à la création. Sans l’assurance de droits garantissant, en cas de violation, à la fois une juste indemnisation et une sanction dissuasive[137], l’intérêt du système de la Propriété intellectuelle pourrait être gravement remis en question car le justiciable ne le percevrait pas comme utile.
Puisque comme nous l’avons vu la voie pénale semble inadaptée, le plus souvent, à ce type de contentieux, la voie civile doit pouvoir à la fois réparer le préjudice de la victime et dissuader en même temps le contrefacteur en prononçant des mesures appropriées. La directive et la loi nouvelle démontrent déjà une prise de conscience au niveau communautaire du fait qu’un système de réparation intégrale du préjudice est inadapté à certains secteurs et notamment à celui de la Propriété intellectuelle. Cependant cette nouvelle législation confère-t-elle vraiment aux juridictions l’arsenal juridique qui faisait défaut jusqu’ici pour arriver à ces fins ou est-elle encore trop « timide » ? L’occasion d’introduire en droit français des dommages et intérêts punitifs a, semble-t-il, été manquée puisque le rapporteur du texte au Sénat s’en est défendu. Peut-être faut-il le regretter car une telle disposition aurait sans doute permis aux magistrats de s’affranchir réellement du poids du passé, c’est-à-dire de la référence exclusive au principe de la réparation intégrale[138].
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-TGI Paris, 17 mai 2006, « Soplaril SAS et autre c./ Matériels industriels de sécurité SA et autres », PIBD 2006, 836-III-570.
-TGI Paris, 1er juin 2006, « Mecaplast SAM c./ Grupo Antolin Irausa SA et autre », PIBD 2006, 837-III-605.
-Paris, 20 sept. 2006, « Kaufler SAS c./ Armor Inex SA », PIBD 2006, 841-III-768.
-TGI Paris, 10 nov. 2006, « Dinh Van SAS c./ Arthus Bertrand SA et autres », PIBD 2007, 846-III-116.
-TGI Paris, 10 nov. 2006, « Gilmar SpA et autres c./ Gilmar Divisione Industria SpA », PIBD 2007, 849-III-253.
-TGI Paris, 15 nov. 2006, « Juva SAS et autre c./ Juvenium SARL », PIBD 2007, 847-III-170
-Paris, 26 janv. 2007, « Laboratoires Asepta SA c./ Dr Tempt Laboratoires SARL », PIBD 2007, 849-III-250.
-TGI Paris, 24 janv. 2007, « Fotovista SA c./ Photoways.com SA », PIBD 2007, 850-III-286.
-TGI Paris, 23 fév. 2007, « Ptc SA c./ Anlagentechnik-Baumaschinen-Industriebedarf Maschinenfabrik und Vertriebsgellschaft et autre », PIBD 2007, 851-III-297.
-Paris, 14 mars 2007, « Ferrero SPA et autre c./ Baby Delice SA et autre », PIBD 2007, 854-III-397.
-TGI Paris, 2 mai 2007, « Jean-Luc Poujouran et autre c./ Alzo SARL et autre », PIBD 2007, 856-III-490.
-TGI Paris, 22 juin 2007, « Ferton Holding SA c./ Surgytech et autre », PIBD 2007, 860-III-588.
-TGI Paris 27 juin 2007, « Cinq hutièmes SA c./ North Company et autre », PIBD 2007, 860-III-616.
-Paris, 4 juill. 2007, « CMC-Agnès B SAS c./ Francine Bochard », PIBD 2007, 860-III-613.
-Douai, 5 sept. 2007, « Backstage Evènements SARL c./ Back Stage SARL et autre », PIBD 2007, 862-III-663.
-Versailles, 4 oct. 2007, « Heschung S.A c./ Sté d’importation Leclerc et autres », PIBD 2008, 865-III-21.
-Paris, 17 oct. 2007, « Biscuiterie Tanguy SAS et autre c./ Lu SA », PIBD 2007, 864-III-721.
-Paris, 17 oct. 2007, « Harry Cover SAS c./ Une Ligne SARL », PIBD 2007, 864-III-748.
-Paris, 26 oct. 2007, « SSI Schaefer SA c./ Citec Environnement SA », PIBD 2008, 865-III-2.
-TGI Paris, 31 oct. 2007, «Sony Computer Entertainment France S.A et autre c./ Da Fa Bazar et autre », PIBD 2008, 865-III-12.
-Paris, 14 déc. 2007, « SARL MG Parfums et autres c./ S.A L’Oréal et autres », collections du CDPI de l’INPI (M20070686).
-Paris, 19 déc. 2007, « S.A L’Oréal et autres c./ M. Stukatsch », collections du CDPI de l’INPI .
-Paris, 21 déc. 2007, « M. Morand c./ S.A Hugo Boss AG et autre », collections du CDPI de l’INPI (M20070683).
[1] Le contentieux porté devant les juridictions pénales est peu abondant. Plusieurs raisons justifieraient se délaissement, notamment le fait que les peines lourdes et privatives de liberté seraient inadéquates en matière de contrefaçon ou que le juge pénal et en amont l’enquêteur n’auraient pas les compétences techniques en cette matière. In W. Bourdon, « Le droit pénal est-il un instrument efficace face à la criminalisation croissante de la contrefaçon » ?, D 2008, p. 699.
[2] ci-après CPI.
[3] J.P Gasnier, à propos de la loi du 29 octobre 2007 va jusqu’ à évoquer « les bouleversements que ce texte induit dans nos habitudes et peut-être, plus profondément, dans certains fondements de notre droit », « Quelques observations à propos de la loi de lutte contre la contrefaçon », Propriété Industrielle, décembre 2007, p. 10.
[4]Nous proposons dans cette partie une analyse du droit positif qu’il nous est permis de connaître jusqu’ à présent, la loi du 29 octobre 2007 devrait dans une certaine mesure remettre en question ces éléments. Ce texte sera étudié dans notre troisième partie.
[5] Les professeurs A. et H.-J. Lucas s’appuient en effet sur la rédaction de l’article L.335-7 du CPI disposant que « le matériel, les objets contrefaisants et les recettes ayant donné lieu à confiscation seront remis à la victime ou à ses ayants pour les indemniser de leur préjudice ; le surplus de leur indemnité ou l’entière indemnité s’il n’y a lieu à aucune confiscation de matériel, d’objets contrefaisants ou de recettes, sera réglé par les voies ordinaires ». A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 3 éd. 2006, n°984.
[6] Voir notamment J. Azéma et J.-C. Galloux, Droit de la propriété industrielle, 6e édition, Dalloz, n° 697 concernant les brevets et n° 1582 concernant les marques ou F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, 1999 n° 733.
[7] Une telle mesure, même prononcée par une juridiction civile, comporte nécessairement un aspect punitif en plus de l’aspect « réparateur » puisque les mesures de publication font mention de la décision de justice, ce qui peut conférer une très mauvaise image à l’entreprise ainsi condamnée. Ceci est d’autant plus vrai que la décision est souvent publiée dans des périodiques au choix du titulaire de droits, afin de toucher le public pertinent. Voir par exemple : Paris, 12 déc. 1995, RIDA, juill. 1996, p. 372.
[8] « L’indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France », RIPIA 2000, n°201.
[9] Même la loi « de lutte contre la contrefaçon » du 29 octobre 2007 n’introduit pas en droit français de dommages et intérêts punitifs selon le rapporteur de la loi au Sénat. P. Kamina, « Quelques réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en matière de contrefaçon », Cah. dr. entr. 2007, n° 4, p. 35.
[10] B. Brun et M.-E. Oppelt-Reveneau, « Améliorer le contentieux de la contrefaçon : du souhaitable au possible », Propr. ind. Juin 2004, p. 15.
[11] F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, 1999, n°733 : « l’approche inspirée de l’article 1149 du Code civil (gain manqué, perte subie) est une pratique prétorienne, que le Code de la propriété intellectuelle, muet sur ce point, et la nature de l’action n’imposent pas nécessairement ».
[12] La jurisprudence rappelle au besoin ce principe : « pour apprécier le préjudice, il convient de prendre en compte l’importance de la masse contrefaisante (…) », Paris, 22 nov. 2002, « Sté d’Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian Dior Couture » : Annales, 2003, p. 199
[13] Par exemple dans une espèce, la Cour d’appel de Paris considère que l’atteinte portée aux droits patrimoniaux est limitée du fait que seuls 772 flacons contrefaisants sur 1172 aient été proposés en vente, Paris, 16 janv. 2004, « Carole Benzaken c./ Parfumeries Fragonard et autres » : RIDA, avr. 2004, p. 329.
[14] Sera par exemple pris en compte pour une contrefaçon de photographies, le format des tirages qui en ont été faits, Paris, 20 sept. 1994 : RIDA, avr. 1995, p. 367.
[15] Voir par exemple Paris, 5 mai 2000, « Sté Galerie de France c./ Jacques L’Hoir et autres » : RIDA, avr. 2001, p. 352 où la Cour note que l’auteur « ne produit aucune pièce tendant à établir qu’il bénéficie d’une notoriété particulière » pour justifier l’évaluation faite par les juges de première instance.
[16] Paris, 5 mai 2000, préc., note 12.
[17] TGI Paris, 4 juin 1997, « Anne Goscinny et Editions Dupuis c./ Esso et autres » : RIDA, janv. 1998, p. 333.
[18] Paris, 21 oct. 1992, « Sté Editions Rivage c./ Sté Victor Gollancz et autres », RIDA, janv. 1994, p. 350.
[19] Voir par exemple : Paris, 9 mars 2005, « Lindt et Sprungli SA c./ Etablissement Public du Musée et du Domaine de Versailles », PIBD 2005, 809-III-45. Dans cette espèce, la Cour a reconnu que les dépôts de marques étaient constitutifs, même en l’absence d’un usage des produits visés aux dépôts, d’actes de contrefaçon au préjudice du titulaire des marques antérieures. Toutefois, il a été jugé que puisque le préjudice subi était purement symbolique, il serait réparé par l’octroi d’une indemnité de un euro.
[20] Cass. Com, 27 oct. 1992, « Mécafrance S.A c./ Gachot », PIBD 1993 , 537-III-76. En l’espèce, le pourvoi soutenait « qu’en sanctionnant la contrefaçon par l’allocation cumulative d’une indemnité pour la perte des ventes manquées et d’une indemnité représentant le taux de redevance qui aurait pu être perçue d’un licencié, la cour d’appel répare deux fois le même préjudice en violation de l’article 1382 du Code civil ».
[21] Versailles, 15 janv. 1998, « Sté Movie Box c./ Me Chavaux, Administrateur judiciaire de la SPADEM et autres » : RIDA, juill. 1998, p. 267.
[22] TI, Paris, 11 sept. 2007, « SACEM c./ SA Hotelia », RIDA oct. 2007, p. 368.
[23] Pour évaluer les dommages et intérêts, il y a lieu de prendre en compte « la notoriété attachée à l’objet reproduit car son avilissement a une incidence d’autant plus importante que le modèle est connu », Paris, 22 nov. 2002, « Sté d’Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian Dior Couture » : Annales, 2003, p. 199.
[24] Paris, 12 déc. 1995, « Société Média RATP et autre c./ Gérard Scher et autre » : RIDA, juill. 1996, p. 372.
[25] Cass. Com, 29 juin 1999, « Kenzo » : Com. com. électr. 1999, comm. 41, note C. Caron. Dans cette affaire, la Cour d’appel rappelait que l’indemnisation du préjudice se déterminait en fonction du gain manqué et de la perte subie et constatait qu’en l’espèce le titulaire ne commercialisait pas le type de produits sur lesquels sa marque était illicitement apposée.
[26] TGI Paris, 17 fév. 1999, « Sté Gaumont, Christian Clavier et Jean-Marie Poiré c./ Sté Prisma Presse, Bruno Pelletier et Axel Ganz » : RIDA, juill. 1999, p. 331.
[27] Il s’agissait en l’espèce du film « Les Visiteurs II » qui réalisa entre 7 et 8 millions d’entrées alors que « Les Visiteurs I » avait atteint l’important chiffre de 14 millions d’entrées.
[28] En revanche, les coauteurs obtinrent gain de cause sur le terrain de l’atteinte au droit moral.
[29] Paris, 12 oct. 1992, GP 1993, 2, somm. 357.
[30] Paris, 22 nov. 2002, « Sté d’Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian Dior Couture » : Annales, 2003, p. 199.
[31] F. Pollaud-Dulian, Le droit d’auteur, Economica, 2005, n° 1211.
[32] B. Brun et M.-E. Oppelt-Reveneau, « Améliorer le contentieux de la contrefaçon : du souhaitable au possible », Propriété Industrielle, juin 2004, p. 14.
[33] TGI Paris, 4 juill. 2003, « André Bellamy et autre c./ Luxtend France SARL », PIBD 2003, 774-III-534.
[34] TGI Paris, 9 mai 2003, « Jenken S.A c./ D2J S.A et Jacques Jaunet S.A », PIBD 2003, 771-III-450.
[35] M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, Colloque IRPI du 17 déc. 2002, Litec 2003, p. 105.
[36] Cass. com., 14 juin 2005, pourvoi n° 03-14167.
[37] Paris, 8 sept. 2004, « Sté Publicis conseil et L. Besson c./ Sté Gaumont et S.A. SFR » : Légipresse 2005, n° 219, III, p. 25, note V. Varet.
[38] Paris, 8 sept 2004, RTDCOM 2004, p.734, obs F. Pollaud-Dulian.
[39] C. Caron, Droit d’auteur et droits voisins, Litec, 2006, n° 534.
[40] TGI Paris, 30 janv. 1985, « Voegtlin c./ G.I.E APPA », D. 1986, I.R, p. 136, obs Mousseron.
[41] Paris, 12 nov. 1991 : PIBD 1992, 519, III, 194.
[42] TGI Paris, 9 févr. 2006, « Neopost Industrie et autres c./ Pfe International et autre », PIBD 2006, 830-III-350
[43] Cass. com, 19 fév. 1991, J.-L Piotraut et P-J Dechristé, Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Tec et Toc, 2002.
[44] TGI Paris, 11 oct. 2000, « ADAGP c./ Sté Editions Alternatives » : RIDA, avr. 2001, p. 386.
[45] Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
[46] M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.
[47] Décisions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 29 octobre 2007 ou ne faisant pas application des dispositions nouvelles.
[48] Nous limitons notre étude au droit des brevets et au droit des marques.
[49] TGI Paris, 23 nov. 2005, « Jacob Gautel c./Editions Albin Michel, Bettina Rheims et Sté Art et Confrontation » : RIDA, juill. 2006, p. 353.
[50] Paris, 28 juin 2006 : RIDA , oct. 2006, p. 383.
[51] Voir par exemple Versailles, 15 janvier 1998, « Sté Movie Box c./ Me Chavaux » : RIDA, juill. 1998, p. 267.
[52] Voir par exemple TGI Paris, 9 février 1998, « Sté Cybion c./ Sté Qualisteam » : RIDA, juill. 1998, p. 292.
[53] La liste des décisions étudiées figure en bibliographie.
[54] Les décisions relevées datent de septembre 1994 à mars 2007. Nous avons exclu de cette sélection celles où le demandeur n’exigeait qu’un franc ou un euro symbolique à titre de réparation de son préjudice moral, la comparaison des valeurs allouées n’ayant dans ces situations plus d’intérêt à notre sens.
[55] Seconde cession de droits sur les photos sans autorisation et recadrage de celles-ci. Paris, 5 mai 2000, « Sté Galerie de France c./ Jacques L’Hoir et autres » : RIDA, avr. 2001, p. 352.
[56] Paris, 29 mai 2002 : RIDA, oct. 2002, p. 325.
[57] Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
[58] Paris, 11 juin 1997, « Consorts Lemaitre c./ Société Guerlain et autres » : RIDA, oct. 1997, p. 255.
[59] Paris, 8 sept. 2004.
[60] Soit 750 000 euros, 280 000 euros, 150 000 euros, 115 000 euros et 120 000 euros.
[61] Soit 1. 000 000 d’euros et 145. 000 euros.
[62] Pour ce calcul, nous n’avons pris en compte que trente-deux décisions, celles où la réparation au titre du droit patrimonial était distincte des autres chefs de préjudice.
[63] Versailles, 5 nov. 1998 : RIDA, avr. 1999, p. 367. Dans cette affaire, avait été reproduite, sans autorisation, sur la jaquette d’un disque compact une photographie représentant Maria Callas. Le nom du photographe n’avait pas été mentionné et l’œuvre avait été recadrée, il y avait donc à la fois « atteinte aux droit de paternité et au respect de l’œuvre ».
[64]Article L.121-2 du CPI.
[65] Le droit au nom et le droit au respect de l’œuvre sont tous deux formulés à l’article L.121-1 du CPI.
[66] Paris, 21 mars 2007 : RIDA, juill. 2007, p. 376.
[67] Paris, 29 septembre 2006.
[68] Paris, 5 mai 2000, « Sté Galerie de France c./ Jacques L’Hoir et autres » : RIDA, avr. 2001, p. 352.
[69] Paris, 8 sept. 2004 : Légipresse 2005, n° 219, III, p. 25, note V. Varet. Dans cette décision, la Cour d’appel n’énonce pas formellement qu’il s’agit d’une atteinte au respect de l’œuvre mais en l’espèce, M. Luc Besson invoquait la dénaturation des images de son film et la Cour fit droit à cette demande.
[70] TGI Paris, 28 sept. 2001 : RIDA, avr. 2002, p. 453.
[71] Une décision toutefois, réparant deux atteintes : une au respect de l’œuvre et une autre au droit au nom, distingue les sommes allouées à chaque titre : 8.000 euros dans les deux cas : Paris, 12 déc. 1995, « Société Média RATP et autre c./ Gérard Scher et autre » : RIDA, juill. 1996, p. 372.
[72] Paris, 20 sept. 1994 : RIDA, avr. 1995, p. 367.
[73] Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
[74] Paris, 11 juin 1997, « Consorts Lemaitre c./ Société Guerlain et autres » : RIDA, oct. 1997, p. 255.
[75] Comme le remarque le Professeur F. Pollaud-Dulian, « ici, l’évaluation ne pouvant être objective, par hypothèse, elle est généralement proportionnelle à la gravité de la faute, c’est à dire de l’atteinte au droit moral, ce qui en fait surtout une forme de peine privée », Le droit d’auteur, Economica, 2005, n° 1336.
[76] Par exemple : TGI Paris, 28 sept. 2001 : RIDA, avr. 2002, p. 453 ou TGI Paris, 17 déc. 2002, « Jean Bonhotal et Sté BBA Architecture c./ Sotheby’s France et Sotheby’s International Realty » : RIDA, janv. 2004, p. 258.
[77]Par exemple une espèce où le demandeur réclamait 60.000 euros et n’en obtint que 8.000 : TGI Paris, 21 sept. 1994, « Consorts Giraud d’Agay et autres c./ Emmanuel Chadeau et autres » : RIDA, janvier 1995, p. 253.
[78] Nous entendons par l’expression « sommes globales », le montant alloué, tout chef de préjudice confondu (gain manqué, pertes subies…).
[79] Il nous a semblé plus pertinent de choisir des décisions récentes afin de brosser un portrait du droit positif. La plus ancienne décision de cet échantillon remonte au 21 octobre 2002. Ont été retenues uniquement des décisions où le titulaire reçoit in fine des dommages et intérêts pour la contrefaçon de son titre.
[80] La plus ancienne décision de cet échantillon remonte au 13 juin 2003.
[81] TGI Paris, 8 mars 2006, « Citec Environnment SA c./ Ka France SARL et autre », PIBD 2006, 832-III-429.
[82] Voir par exemple : TGI Paris, 1er juin 2006, « Mecaplast SAM c./ Grupo Antolin Irausa SA et autre », PIBD 2006, 837-III-605 ou TGI Paris, 11 mars 2005, « Valois c./ Rexam Dispending System », PIBD 2005, 816-III-570.
[83]Voir par exemple : TGI Paris, 5 oct. 2005, « Zodiac Pool Care Europe c./ Arch Water Products France et autres», PIBD 2006, 821-III-14 où le Tribunal considère que la demande de provision formulée à hauteur de 200 000 euros est incontestablement justifiée.
[84] Voir par exemple : TGI Paris, 25 janv. 2006, « Sonja Klotz et autre c./ Castorama France SA et autres », PIBD 2006, 828-III-277 : le juge considéra dans cette espèce que la mesure d’expertise ne s’avérait pas nécessaire compte-tenu de l’absence de complexité en l’espèce de l’évaluation des préjudices.
[85] TGI Paris, 23 fév. 2007, « Ptc SA c./ Anlagentechnik-Baumaschinen-Industriebedarf Maschinenfabrik und Vertriebsgellschaft et autre », PIBD 2007, 851-III-297.
[86] Paris, 26 oct. 2007, « SSI Schaefer SA c./ Citec Environnement SA », PIBD 2008, 865-III-2.
[87] Voir par exemple : TGI Paris, 5 nov. 2004, « Ebrahim Simhaee c./ Multy Pack SA », PIBD 2005, 802-III-102.
[88] TGI Paris, 24 janv. 2007, « Fotovista SA c./ Photoways.com SA », PIBD 2007, 850-III-286.
[89] TGI Paris, 4 fév. 2005, « Louis Vuitton Malletier SA c./ Google Inc et autre », PIBD 2005, 807-III-276.
[90] Voir par exemple : TGI Paris, 10 nov. 2006, « Dinh Van SAS c./ Arthus Bertrand SA et autres », PIBD 2007, 846-III-116 où le Tribunal, n’ayant retenu que des actes très limités de contrefaçon par reproduction, énonce que « le préjudice se résume en conséquence à une simple atteinte à la marque par la banalisation du signe ».
[91] TGI Paris, 30 avr. 2003, « Chantelle SA c./ Manufacturas Femininas LTDA et autres », PIBD 2003, 772-III-479.
[92] Voir par exemple : TGI Paris, 9 mars 2004, « Lancôme Parfums et autres c./ Butress et autre », PIBD 2004, 790-III-421.
[93] TGI Paris, 30 avr. 2003, préc. où une somme forfaitaire de 15 000 euros avait été allouée sur le fondement de la dévalorisation de la marque et de la dépréciation de sa valeur attractive.
[94] J.Passa, Traité de droit de la propriété industrielle, Tome 1, LGDJ, 2006, n°466.
[95] Nous ne prenons pas en compte dans notre calcul les décisions allouant un montant global au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, par exemple : Paris, 14 déc. 2007, « SARL MG Parfums et autres c./ S.A L’Oréal et autres », collections du CDPI de l’INPI (M20070686). Toutefois, de telles décisions sont minoritaires, les juges prenant en général le soin de distinguer.
[96] TGI Paris, 24 janv. 2007, préc.
[97] Paris, 18 mai 2005, « Faresin SARL et autre c./ Peri Gmbh », PIBD 2005, 814-III-496.
[98] Paris, 18 fév. 2005, « Atral SA et autre c./ Gérald Buisson et autres », PIBD 2005, 811-III-388.
[99] Voir notamment G. Triet, «Indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000, p. 92.
[100] Comme nous le verrons plus avant, l’application de la loi du 29 octobre 2007 pourrait changer quelque peu la donne.
[101] Par exemple, une étude révélait que 100% des entreprises interrogées étaient insatisfaites, en France, de la réparation de leur préjudice en matière de brevet et 87, 5% en matière de marque. G. Triet, «Indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000.
[102] Maître Lenoir, « Quelles sanctions pénales et quelle efficacité » ? Colloque de l’IRPI, 17 déc 2002, Litec 2003, p. 141.
[103] B. May, « Améliorer l’indemnisation de la contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété Industrielle, mars 2008, p. 11.
[104] E. Belfort, « L’indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France », RIPIA 2000, n°201, p. 75.
[105] E.Belfort, préc. p. 72.
[106] Selon Madame Mandel, L’indemnisation du préjudice en cas de contrefaçon de marque ou de modèle, GP 1996, 1, doctr. 600 et Madame Belfort, préc. p. 76.
[107] Par exemple les justificatifs des honoraires versés à l’huissier qui a procédé à la saisie-contrefaçon et au conseil en propriété industrielle. Selon P. Massot, en pratique les sommes allouées au titre de l’article 700 du NCPC sont fixées de manière forfaitaire et ne correspondent pas aux frais réels mais certaines décisions récentes démontrent qu’une évolution est possible. P. Massot, Les sanctions de la contrefaçon, Cahiers IRPI, 2005, p. 59.
[108] B. May, « Améliorer l’indemnisation de la contrefaçon : la loi ne suffira pas », préc. p. 13.
[109] Cass. civ, 30 mai 1927, Ann. propr. ind. 1928.33.
[110] Il y va de l’intérêt du demandeur de la victime en contrefaçon mais cette voie n’est nullement un préalable obligatoire à l’action en contrefaçon.
[111] La loi du 29 octobre 2007 a étendu le champ de la saisie-contrefaçon aux indications géographiques (art 29 de la loi et art L.722-4 du CPI) et aux produits semi-conducteurs (art 19 de la loi et art L.622-7 du CPI).
[112] Selon l’article 1315 du Code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
[113] De rares décisions avaient répondu à cette question par la négative, par exemple : Bourges, 19 fév. 2001, Ann. propr. ind. 2001, p. 263.
[114] Paris, 6 fév. 2004, Société Diramodic c./ Sté RB Fashion et Toboggan, PIBD 2004, 791-III-461 qui admet que « la matérialité de la contrefaçon porte nécessairement sur l’étendue de celle-ci ».
[115] Ce délai était de quinze jours avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, celle-ci prévoit que le nouveau délai sera précisé par décret.
[116] L.331-1-2 du CPI pour le droit d’auteur, droits voisins et droits du producteur de bases de données, L.521-5 pour les dessins et modèles, L.615-5-2 pour les brevets, L.622-7 pour les produits semi-conducteurs, L.623-27-2 pour les obtentions végétales, L.716-7-1 pour les marques et L.722-5 pour les indications géographiques.
[117] B. May, « Améliorer l’indemnisation de la contrefaçon : la loi ne suffira pas », préc, p. 9.
[118] Selon M. Véron, la France a également connu un tel système en matière de brevets d’invention, jusqu’à un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation intervenu en 1963. M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.
[119] A-J. Kevorkian, préc. p. 83.
[120] Paragraphe 2 de la section 284 du Titre 35 du USC.
[121] P. Meier-Beck, préc. p. 13.
[122] Décision publiée sous le titre « Attribution des coûts fixes » (Gemeinkostenanteil), 145 BGHZ 366, 2001 GRUR 329, 33IIC 900 (2002).
[123] Ce que l’on peut regretter, avec un auteur qui proposait, en matière de brevet, d’ajouter au livre VI du CPI un article disposant « Le propriétaire d’un brevet victime d’un acte de contrefaçon est en droit d’obtenir, à titre de réparation complémentaire de son préjudice, le bénéfice intégral réalisé par le contrefacteur ». G. Triet, «Indemnisation des préjudices en matière de contrefaçon: les entreprises françaises sont insatisfaites», RIPIA, 2000, p. 94.
[124] H. Lécuyer, « L’indemnisation du préjudice en matière de contrefaçon », Gaz. Pal., du 23 au 27 mars 2008, p. 13.
[125] La directive et la loi française font en effet mention du « préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte » qui doit être pris en compte pour le calcul des dommages et intérêts. Cependant, un tel préjudice entrait classiquement dans le calcul des dommages et intérêts au titre de la perte subie, par exemple du fait des atteintes au droit moral en droit d’auteur ou de la banalisation d’un produit ou d’une marque en propriété industrielle… Pour un auteur « en le mentionnant, la loi nouvelle se veut peut être pédagogue. Beaucoup déploraient, en effet, que le préjudice moral fût trop souvent oublié ou négligé. La référence explicite qui y est faite dans le texte peut être vue comme constituant une piqûre de rappel », H. Lécuyer, préc.
[126] M. Cousté et F. Guilbot, « Réforme de l’indemnisation du préjudice de contrefaçon en France : du jardin à la française à l’Eldorado américain » ? Propriété Industrielle, décembre 2007, étude n° 26.
[127] Selon l’expression de M. Cousté et F. Guilbot, préc. en référence aux dommages et intérêts punitifs (punitive damages) parfois pharaoniques alloués par les tribunaux américains.
[128] P. Kamina, « Quelques réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en matière de contrefaçon », Cah. dr. entr. 2007, n° 4, p. 35.
[129] Les initiales « USC » signifient « United States Code » : code regroupant toutes les lois fédérales en vigueur aux Etats-Unis. Les droits de propriété intellectuelle et donc les dispositions concernant la contrefaçon sont réglementés par des lois fédérales et figurent ainsi dans ce code.
[130] S. Roux-Vaillard, « Réparation et punition sanction de la contrefaçon de brevet aux Etats-Unis et en France », Propriété Industrielle janvier 2004, p. 9
[131] A-J. Kevrokian, « Réparation monétaire des contrefaçons », USA, RIPIA 2000, p. 83.
[132] Selon J.M Baudel, La législation des Etats-Unis en matière sur le droit d’auteur, Frison-Roche, 1990, la loi de 1909 prévoyait que le juge choisissait lui-même d’accorder au demandeur des dommages et intérêts calculés soit en fonction du préjudice réel ou bien forfaitairement. Ce système a été critiqué, la loi de 1976 réserve désormais ce choix au demandeur.
[133] P. Meier-Beck, « Les dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet en droit allemand. Principes fondamentaux, évaluation et mise en œuvre », Propriété Industrielle, novembre 2004, p. 11.
[134] S. Roux-Vaillard, préc.
[135] J-P. Martin, « Le nouveau régime des dommages-intérêts de contrefaçon de titres de propriété intellectuelle selon la Directive européenne du 29 avril 2004 », Propriété Industrielle, octobre 2004, p. 12.
[136] B. May, « Améliorer l’indemnisation de la contrefaçon : la loi ne suffira pas », Propriété Industrielle, mars 2008, p. 10.
[137] « L’autorité effective d’un droit se mesure à la sévérité des sanctions décidées à l’encontre de ceux qui l’atteignent » Aspi-Femipi, « Constatation et sanctions de la contrefaçon », Colloque Paris 1976, Dossiers Brevets 1977.I.
[138] P. Kamina, « Quelques réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en matière de contrefaçon », Cah. dr. entr. 2007, n° 4, p. 35.